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La Bolduc

LA BOLDUC

Auteur : Réal Benoît – Éditions de l'homme – 1959

Du même auteur :

Nézon (contes), Parizeau 1945 - épuisé

TOUS DROITS RÉSERVÉS
Copyright, Ottawa, 1959

Préface de Doris Lussier

LES ÉDITIONS DE L'HOMME (Montréal)

Distributeur exclusif :
L'Agence de Distribution Populaire Enrg.
Montréal, Québec
Tél. : Lafontaine 31182


Note : Tout comme nous l'avons fait avec les Mémoires et autres textes, voici la publication de la biographie de La Bolduc subdivisée en chapitres tel que Réal Benoît les a subdivisés lui-même. - Les auteurs


Chapitre XVI - Tout le monde y passe

Madame Bolduc, d'emblée, se mettait dans ses chansons : elle-même, sa famille, sa ville, son pays natal, tout ce qu'on veut de sa vie et de son époque.

Les chansons où elle parle d'elle-même et de sa famille sont nombreuses. Quelques-unes sont des versions fantaisistes, et souvent sans rapport avec les faits, de petits incidents ou de certaines étapes de sa vie. Ainsi, Les souffrances de mon accident. Cette chanson raconte non pas tellement le sérieux accident d'auto où elle fut blessée grièvement à Sacré-Coeur, près de Rimouski, en 1937, que les suites de l'accident :

Depuis mon accident
J'ai pas fait de chansons nouvelles
...
J'en arrache et en souffrance
Avec mes assurances.
Maintenant écoutez-ça
C'est la chanson des avocats.

Turlutage

Le procès traîne pendant deux ans, les autres sont payés, mais pas elle : on profite de ce qu'elle est à l'hôpital... Pis, un avocat, avec son argent s'est ouvert un restaurant... Les assurances paient pas davantage :

Une chance j'avais de l'argent
Sur eux autres si je m'étais fiée
J'serais morte depuis longtemps.

De sa vie de ménagère, de mère de famille et de femme tout court, Madame Bolduc nous fait un tableau plutôt hardi. En même temps, elle décrit une race d'hommes pas toujours aimés de la masse : Le propriétaire :

J'avais un propriétaire
Ça c'était une vraie commère
Il venait écornifler
Près de la maison à la journée.

Turlutage.

Si son mari fend du bois, il fait dire d'arrêter ça, si la fille joue du piano, il frappe sur le tuyau, et si elle-même chante ou joue du violon, il lui dit d'attendre le soir avec les chats pour faire ses concerts. Mais il y a mieux :

Quand le boulanger vient sonner
Lui et sa femme vont regarder
Pour voir si ça lui prend du temps
Pour délivrer un p'tit pain blanc.

Le même propriétaire veut toujours savoir ce que l'épicier apporte, bière, porter ou vin de gedelles noires. Un conseil au propriétaire :

C'est toujours pas d'ses affaires
Ce qu'on peut manger ou ben boire
Il n'a qu'à watcher ce qu'on renvoie
Par le tuyau des cabinets.

et plus loin :

À part de ça, il a le nez si fin
Qu'il sait toujours quand je prends mon bain.

Une autre chanson met directement son mari en cause. Il s'agit de Mon mari est jaloux. En voici le début :

Mon vieux est jaloux ah oui je le sais bien
Il dit que je m'occupe du gars du voisin
Mais tu sais bien mon vieux, va, que je tente pas dessus
Il a les rhumatismes, il est tout tordu.

La belle raison... Il y a le laitier aussi, et encore le boulanger, mais au fond...

Je suis une femme de renom
Et je compose mes chansons
Veuillez m'excuser
Car c'est pour nous amuser
Mais vous savez dans le fond
Mon mari est un bon garçon
Et moi de mon côté
On n'a rien à me reprocher.

A noter que dans cette chanson, l'accompagnement est fait à la guimbarde, appelée communément bombarde et appelée dans la chanson, pour la rime, bombarlouche.

Il semble que nous aurions presque raison de dire que si elle avait des ennuis, des ennuis de toutes sortes, elle en faisait une chanson. Probablement pas par esprit de vengeance, mais plutôt pour s'en débarrasser en les exposant au public et puis aussi pour en rire. Ainsi comme elle a eu beaucoup de misère avec les avocats et les assurances, à la suite de son accident, elle en fit des chansons.

Au fond, la chanson était bien sa meilleure arme de défense. Et elle a, de fait, souvent tenté de confondre ses détracteurs, ses adversaires avec des chansons.

Dans une chanson qui s'appelle La chanson du bavard, elle se met directement en cause. Elle avait eu des malentendus avec un poste de radio local, une histoire de cachets, et, simultanément, on avait, en certains milieux fort dignes, manifesté quelque réticence sur ses chansons, y trouvant pas mal de grivoiseries et aussi un nombre très élevé de fautes de français.

Qu'à cela ne tienne, une chanson va leur fermer le bec : La chanson du bavard :

C'est la faute des commères
Qui se mêlent pas de leurs affaires
Y en a à belles journées
Qui passent leur temps à bavasser
Y devraient cracher en l'air
Et ça leur retomberait sur le nez.

Refrain

Y en a qui sont jaloux
Y veulent mettre des bois dans les roues
J'vous dis, tant que je vivrai,
J'dirai toé et moé
J'parle comme dans l'ancien temps
J'ai pas honte de mes vieux parents
Pourvu qu'j'mette pas d'anglais
J'nuis pas au bon parler français.

Chapitre XVII - J'ai chanté sur tous les tons

D'une autre façon, Madame Bolduc mêle littéralement sa famille à ses chansons. C'est-à-dire qu'elle met ses enfants à contribution. D'abord il y a Denise qui l'accompagne au piano. De plus, sur maints enregistrements, la famille est de la partie. La famille, disons plutôt les trois filles.

Les disques En revenant des foins et Les conducteurs de chars ainsi que les disques comportant des chansons du temps des Fêtes mentionnent comme interprètes Mme Ed. Bolduc et sa famille. La contribution des filles consiste à chanter avec la mère la reprise du refrain.

Un disque présente même une chanson de Madame Bolduc interprétée par une des filles. Il s'agit de L'enfant volé chantée par Lucienne qui avait alors douze ans. Rappelez-vous que L'enfant volé c'était le titre du feuilleton de La Presse en 1907, année de l'arrivée de Mary Travers à Montréal. Aucun rapport, bien entendu. Simple coïncidence. A part cela, L'enfant volé est d'une niaiserie consommée, et la mélodie n'est même pas une "composition" authentique puisqu'on reconnaît la mélodie de la trop populaire rengaine Sur les flots bleus.

Lors de ses "concerts", Mme Bolduc ne présentait pas ses chansons ainsi que les chansonniers le font souvent aujourd'hui. Elle faisait tout de même une sorte de présentation en musique de son sujet. Dans plusieurs chansons on trouve dès le début l'explication de la chanson qu'elle va chanter. Ainsi dans Les policemen, elle dit :

J'ai chanté sur tous les tons
Sur les filles et les garçons
Des carottes pi des naveaux
Ah ! venez voir comme ils sont beaux
De l'ouvrage aux Canadiens
Et de la grocerie du coin
Je va vous pousser un air
Sur la force constabulaire.

Dans une autre chanson, même si cette fois ce n'est pas au début, elle fait la même chose. Dans Arrête donc Mary, interprétée par elle-même et Jean Grimaldi, elle chante :

J'étais tannée de turluter
C'est pour ça que j'ai changé.

En l'occurrence, le changement consiste à remplacer le turlutage authentiquement Bolduc par une imitation de tyrolienne.

Elle fait la même chose dans la chanson Les belles-mères, interprétée cette fois par Madame Bolduc et Zézé. Ces tyroliennes sont bien mal venues et n'ajoutent rien au genre Bolduc, au contraire. En passant, cette chanson se termine par un conseil radical à tous ceux qui n'aiment pas leur belle-mère :

Veux-tu que je te donne la manière
Si tu veux t'en débarrasser
Mets-y donc une bonne pilule dans sa théière
Elle viendra plus jamais t'achaler.

Un dernier exemple de présentation dans le premier couplet : Les filles de campagne :

C'est aux jeunes filles de campagne
Que je chante cette chanson
Vous êtes la fleur des montagnes
Recherchée par nos garçons.

A remarquer dans cette chanson un accompagnement plus complexe que d'habitude et jusqu'au turlutage qui diffère aussi ; par contre l'histoire, les mots n'ont rien de remarquable.


 

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