"Le pied qui r'mue" :

  • titre d'une revue, journal programme de Bordeaux paraissant trois fois par semaine (le n° 1 le 31 oct. et 1er nov. 1863 - Gallica)

  • chanté par Clovis à l'Eldorado lyrique de Saint-Etienne, en 1881 (La Gazette lyriquen° 27 (avril 1881 - Gallica)

Merci à Claire Simon-Boidot
pour le texte, la note, les sources et le petit format



Merci également à Monsieur Vincent Massard
pour l'enregistrement et l'étiquette.

L' pied qui r'mue

Rengaine normande

ca 1862

nterprétée par Joseph Kelm

Paroles et musique de Paul Avenel - Éditeur : A. Goubert.

Stello et Renée Viala [*]


[*] Disque Polydor n° 522.537 - Collection Vincent Massard


Paroles

Refrain
J'ai un pied qui r'mue,
Et l'autre qui ne va guère,
J'ai un pied qui r'mue,
Et l'autre qui ne va plus.

Ah ! dites met qui vous a donnet,
Ah ! dites met qui vous a donnet,
Ce biau bouquet que vous avet,
Ce biau bouquet que vous avet.
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur ben aise,
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois, j'ai le cour content.
Ah ! dites met qui vous a donnet,
Ah ! dites met qui vous a donnet,
Ce biau fichu que vous avet,
Ce biau fichu que vous avet.
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur ben aise,
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur content.
J'ai un pied qui r'mue,
Et l'autre qui ne va guère,
J'ai un pied qui r'mue,
Et l'autre qui ne pas plus.

au Refrain

Ah ! dites met qui vous a donnet, (bis)
Ce r'gard fripon que vous avet. (bis)
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur ben aise,
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur content.
Ah ! dites met qui vous a donnet,
(bis)
Ce teint si frais et si rouget. (bis)
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur ben aise,
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur content.
J'ai un pied, etc.

au Refrain

Ah ! dites met qui vous a donnet, (bis)
Ce gros baiser près de la haie. (bis)
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur ben aise,
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur content.
Ah ! dites met si je vous faisais,
(bis)
Tous les présents qu'il vous a faits ? (bis)
Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut m'donner queq'chos' qui m'plaise,
Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut faire mon content'ment.
J'ai un pied, etc.

au Refrain

Mais si pourtant je vous donnet, (bis)
Ma pip', mon cœur, mon flageoulet. (bis)
Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut m'donner queq'chos' qui m'plaise,
Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut m'donner ben d'l'agrément.
Vot' pip', vot' cœur, vot' flageoulet,
(bis)
Je refus' tout vous et's trop laid. (bis)
Car il gnia qu'm'n'amant, qui peut m'donner
Qui peut m'donner queq'chos' qui m'plaise,
Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut m'donner ben d'l'agrément.
J'ai pun pied, etc.


Note


Armand LIORAT,"Revue des Cafés-concerts. Alcazar. Le pied qui r'mue" dans La Chanson, n°6 (20-30 décembre 1862), p. 3.


"Décidément, la vogue est au Pied qui r'mue. Mais, me direz-vous, et le Fils du Giboyer - et les Ganaches - et Niobé et la Revue des Variétés ? Vous aurez beau dire, la vogue est au Pied qui r'mue. Qu'est-ce donc alors que le Pied qui r'mue ? Vous vous souvenez sans doute de ces délicieuses rondes enfantines, venues on ne sait d'où, et transmises d'âge en âge, de mère en fille, jusqu'à nos bébés d'aujourd'hui ; de ces rondes qu'on danse à dix ans sous les marronniersdes Tuileries : A mon beau château... Nous n'irons plus au bois... et tant d'autres, encore plus naïves les unes que les autres, dont les auteurs sont restés cachés dans les mystérieuses vapeurs des pays légendaires. C'est à cette littérature fantastique, où baiser rime avec derrière la haie, qu'appartient le Pied qui r'mue. Le sujet en est facile à saisir. Un inconnu, sans doute une individualité puissante, morigène une jeune paysanne et lui demande le compte d'une foule de cadeaux qu'elle a reçus.


Ah ! dites moi qui vous a donné,
Ce beau fichu que vous avez ?


À chaque question, la beauté champêtre répond avec une expression de sentiment ineffable :


Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur ben aise,
Mossieu c'est m'n'amant,
Quand je le vois j'ai le cœur content !


Touché par cette amoureuse ténacité, le moraliste devient tentateur, et fait à la jeune fille les propositions les plus extravagantes ; il va, je crois, jusqu'à lui offrir sa pipe en même temps que son cœur : on n'a jamais rien vu de pareil.
Naturellement, l'innocence refuse les présents du démon et répète avec une obstination qui tient de la magnanimité :


Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut m'donner queq'chos' qui m'plaise,
Mossieu gnia qu'm'n'amant,
Qui peut faire mon content'ment.


Et cependant, entre tous les couplets, une voix sonore, la voix de M. Joseph Kelm, semblable au chœur des tragédies antiques, donne son avis avec l'impassibilité du destin en psalmodiant sur un vieil air :


J'ai un pied qui r'mue,
Et l'autre qui ne va guère,
J'ai un pied qui r'mue,
Et l'autre qui ne va plus.


Quel est donc ce Pied qui r'mue à côté de cet autre qui va si mal ? Je ne sais. Mais un spirituel musicien de mes amis prétendait l'autre jour avoir deviné l'origine de ce refrain énigmatique. Il supposait qu'autrefois le conte que je viens de vous dire était chanté le soir, à la veillée, par une grand-mère, et que ce pied qui r'mue n'était autre que le pied de la bonne femme reprenant le travail du rouet un instant interrompu par le récit.
Quoi qu'il en soit de cette étymologie un peu imaginaire, la chose obtient tous les jours un succès d'enthousiasme grâce à la naïveté du sujet et aux burlesques grimaces de Joseph Kelm. Je sais des gens d'esprit qui vont régulièrement à neuf heures s'asseoir à une table de l'Alcazar, dans le seul espoir d'entendre le Pied qui r'mue. Le Sire de Franc-Boisy est dépassé de cent coudées."