(Pauline Carton au centre)















Pills et Tabet

ills et Ward. - On a avancé que le nom aurait eu, pour origine, les mots "pilules" et "salle d'hôpital"... par dérision, car René Ducos (Jack Ducos puis Jacques "Pills") et Pierre Courtemontagnes (Pete puis Pierre "Ward") qui chantaient sous ce nom étant des étudiants en médecine. - Quoiqu'il en soit, ce duo aura duré deux ans, le temps d'enregistrer quelques disques et que Pete - pardon : Pierre - décide de retourner à ses études.

Tabet, lui, eut une autre histoire. - Revendeur dans un magasin d'antiquités, il s'est improvisé pianiste de jazz au point où, chef d'orchestre à 18 ans (à Alger) il décida de s'embarquer pour Paris pour y faire carrière. Il doit avoir de la gueule et un certain entregent car il vient d'avoir vingt ans quand on lui confie la direction du Mac-Mahon Palace qu'un contrat amène à Hambourg pour une saison.

Et puis c'est 1929, la crise et débâcle.

Au gré des rencontres, les trois se retrouvent dans le même café, un soir, au début de 1930. On parle d'un éventuel trio mais Pierre (le "Ward" de Pills et Ward), qui a déjà pris sa décision, quitte le groupe pour laisser place au futur [nouveau] duo, celui de Pills et Tabet.

Ça y est ? Nous y sommes ?

J'ajoute mais pour la forme seulement que René Ducos est né à Tulle le 7 janvier 1906 et que Georges (André) Tabet est né à Alger, le 23 janvier 1905.


Séparément, ils nous ont laissé certaines petites choses qui méritent d'être citées :  "Pour me rendre à mon bureau" et "Y'a toujours un passage à niveau" pour Georges Tabet (que Georges Brassens n'a pas hésité à reprendre dans un album où il se rappelle les chansons de sa jeunesse), et "Cheveux dans le vent" de même que "Symphonie" pour Jacques Pills.

  • "Pour me rendre à mon bureau" - Paroles et musique de Jean Boyer - 1945
  • "Y'a toujours un passage à niveau" - Paroles de J. Boyer, musique de G. Van Parys - 1936
  • "Cheveux dans le vent" - Paroles et musique de Bruno Coquatrix et B. Chabannes - 1943
  • "Symphonie" - Paroles de Georges Tabet et de R. Bernstein, musique d'Alstone - 1945

Ensemble, , ils ont créé de petits chefs-d'œuvre à partir, en particulier, de chansons écrites par Jean Nohain et Mireille mais ils n'ont pas hésité à mettre à leur répertoire des titres qui, sans eux, sans doute, n'auraient pas connu la gloire qu'ils ont connus : "Ici l'on pêche" de Jean Tranchant, "Prends la route" de Jean Boyer et Van Parys, "Serait-elle en retard ?" de Vaucaire et Van Parys, etc. - Sans compter "Toi, c'est moi" de Duvernois, Bertal-Maubon, Champfleury et Symons, "On n'a pas besoin de la lune" de Hornez et Misraki, "Sur deux notes", de Misraki, toujours. Et, dans les moins de vingt-cinq disques qu'ils ont enregistrés, ils ont trouvé le moyen de glisser quelques chansons de leur composition : "Bonsoir mon amour", "Viens", "Elle est timide", etc.

Leurs insuccès (soyons poli : leurs succès mitigés), à leur début, sont trop nombreux pour être cités. Surtout dans les revues dont ils font partie : Paris qui brille (avec Mistinguett, en 1931), Paris-Sex-Appeal (avec Marie Dubas, en 1932), La joie de Paris (avec Joséphine Baker, la même année), etc., etc.- Mettons... qu'ils sont eu une certaine difficulté à se faire connaître sauf sur disques et, en première partie, en accompagnateur, on les a trouvé différents mais jamais les a-t-on refusés. Avec Lucienne Boyer surtout.

Aux Bouffes-Parisiens, malgré qu'ils soient en tête d'affiche, Koval et Pauline Carton leur volent la vedette dans Toi, c'est moi et au cinéma, on ne parle pas d'entrées fulgurantes pour leur prestation dans Princesse Czardas ou même Prends la route. - L'adaptation de Toi, c'est moi marche un peu mieux.

Ils sont en tournées : en Belgique, aux États-Unis, en Angleterre.

Puis vient la guerre et le duo se sépare laissant derrière lui moins de cinquante enregistrements sauf que ces enregistrements, 75 ans plus tard, nous étonnent par quelque chose qui s'appelle "fraîcheur". Impossible d'écouter ces deux voix d'outre-tombe sans se demander ce qu'ils auraient pu faire, aujourd'hui, avec tous les moyens techniques dont les interprètes modernes disposent. - Une certaine espièglerie, un sourire en coin, un clin d'œil nous font sourire et nous charment. Mais attention, hein : c'est sérieux. Car à la question "qui a ouvert la voie à Trenet ?", il n'y a qu'une seule réponse : "Pills et Tabet !" (m'enfin : deux, ou trois car il y a eu Mireille, Jean Nohain, Jean Sablon, Jean Tranchant...)

(On comparera, pour le plaisir, leurs interprétations aux artistes de la mise en scène que furent Gilles et Julien...)

Mais trêve de discussion, passons tout de suite aux exemples.


Pills ou Tabet, seul

Je m'en voudrais de ne pas citer "Pour me rendre à mon bureau" chanté par Georges Tabet mais faute d'espace, il faudra se limiter à cet incomparable...

"Y'a toujours un passage à niveau"

(J. Boyer, G. Van Parys) - 1936

Pour Pills, un enregistrement qui résumera tout ce qu'on a dit de lui :

"Cheveux dans le vent"

(Bruno Coquatrix et B. Chabannes - 1943)


Ensemble

Nous avons déjà cité "Couchés dans le foin" en notre page sur Mireille. Il serait, dans ces conditions, mal aisé de ne pas citer "Un vieux château" qui précède - et de plusieurs années - Trenet mais à ce dernier titre, nous rajouterons un petite fantaisie qui se nomme "Serait-elle en retard ?" :

"Un vieux château"

Jean Nohain - Mireille) - 1932


"Serait-elle en retard ?"

(M. Vaucaire et G. Van Parys - 1937


Et après ?

Parce qu'il faut toujours conclure, n'est-ce pas ?

Après son divorce d'avec Lucienne Boyer, Pills deviendra Pils, épousera une certaine Édith Gassion- Piaf, poursuivra un temps sa carrière, redivorcera... avant de devenir professeur de "music-hall" (sic). Il mourra d'une crise cardiaque à 64 ans, en 1970

Tabet, lui, n'a pas eu à changer de nom puisque c'était le sien. Il s'essaya d'abord au tour de chant, puis à la composition et fit même de la radio et puis du théâtre et du cinéma et, par divers détours, il se dirigea, inspiré par son frère André, vers l'écriture où il devint, toujours dans le domaine du cinéma, scénariste-dialoguiste. - Des titres ? Un témoin dans la ville d'Edouard Molinaro (1959), Une ravissante idiote du même (1964), Le corniaud (1965) et La Grande vadrouille (ces deux derniers films de Gérard Oury), La part du lion de Jean Larriaga (1971), etc. - Il est décédé le 28 février 1984.


Et pour terminer

Du film de René Guisart, livret d'Henri Duvernois, couplets d'Albert Willemetz, de Berthal-Maubon et de Chamfleury, musique de Moïse Simons, la chanson du même nom : "Toi, c'est moi"