"Cylindre Cécilia"
Alphonse et Nana,
duo comique de Mme Rollini et Charlus
Un enregistrement de 1903 :
certes très rare, mais pas des meilleurs !








Madame Rollini

(Texte et photos [collection] de Jean-Yves Patte)

orte d'une impressionnante discographie, Mme Rollini ( Z... Rollini ?) est aujourd'hui à peu près tombée dans l'oubli.

Qui fut-elle ? Il semble presque impossible de dénicher quelques lignes qui la mentionnent, et pourtant tous les bons ouvrages relatifs à la chanson française de Belle époque citent ses enregistrements.

Son nom - était son vrai nom ? - a une certaine parenté avec celui de "Rollinat", le célèbre hydropathe [1] mais dans son immense discographie, on ne retrouve aucune chanson de ce poète-musicien.

Elle frise la cinquantaine vers 1903 d'après la photo qui figure dans le catalogue illustré du "répertoire français" de Pathé, la même mais en format carte postale que ci-contre.

On peut quand même affirmer qu'elle commence sa carrière "d'enregistreuse" dès la parution du premier catalogue de chez Pathé (en 1896) en enregistrant quelques titres empruntés à Thérésa et Yvette Guilbert. Elle s'annonce parfois elle-même sur, aujourd'hui, de rarissimes cylindres mais par sur tous - tout comme Yvette Guilbert -. C'est ce qui a permis à certains spécialistes de douter de l'authenticité d'enregistrements attribués à cette dernière, enregistrements qui pourraient être redevables au talent d'imitatrice de Mme Rollini... -  Doit-on y voir une concurrence artistique, ou plutôt une guerre des prix, les cachets de l'une étant plus élevés que ceux de l'autre ? - Les frères Pathé étaient assez versés dans ce genre d'astuce... enregistrant eux-mêmes les discours d'autrui afin de réduire les coûts de production... et puis, aussi, dans l'utilisation à toutes les sauces de forçats du phono, tel Charlus...

Quoiqu'il en soit, Mme Rollini (Jeanne ou Louise, on n'en sait pas plus [2] reste fidèle à la maison, mais son répertoire n'évolue guère. Il s'étend entre 1896 et 1902... puis, à partir de 1903, les catalogues reprennent sempiternellement les mêmes morceaux jusqu'en 1922 où deux titres enregistrés pourtant en 1898 et 1902 (respectivement "À la Plazza" et "Le Morvandiau") figurent encore !

Les accords qui unissaient Madame Rollini à Pathé semblent rompus vers 1903, 1904 mais sa carrière phonographique ne sombre pas pour autant [3].

C'est même du délire : la clarté de sa diction, la justesse de son timbre, son inépuisable faconde la conduisent dans toutes les maisons de disques de son temps. Elle livre son talent au service du répertoire d'Yvette Guilbert chez Gramophone et Zonophone surtout (qui distribuent les mêmes titres à un coût moindre que l'autre) et chez d'autre distributeurs dont Odéon (principalement), mais aussi chez Eden-Favorite, chez Cécilia, Dutreih... déroulant tantôt ses talents de diseuse "fin de siècle", tantôt dans un répertoire grivois, tantôt dans des chansons de "tourlourou", et enfin et surtout ses fabuleuses qualités de tyrolienniste abracadabrante.

Ces talents si divers, qui la poussent même à écrire quelques chansons qui sont enregistrées par d'autres artistes tel Paul Lack (qui grave chez Odéon "Caroline va débuter" et signe aussi avec elle "Exercice à la caserne") ou Alcide Terneuse qui enregistre en 1911 "Au caveau des Halles" ou Charlus [4] et son "Colonel du 603e à la Répétition"... Elle même ne semble plus enregistrer depuis 1909...

L'histoire s'arrête là. Mme Rollini s'est-elle retirée la scène, a-t-elle quitté ce monde avant le déferlement de la guerre de 1914 ? [5]


Quelques gravures

(Collection : Jean-Yves Patte)

(Attention : c'est pas jeune !)

Une première chanson créée par Yvette Guilbert (Louis Birec) :

"Je suis pocharde"

Gramophone (étiq. verte) 233010 / 5136h - 1906/07

Un grand succès de Thérésa

"Petit Pâtre du Tyrol" [Saint-Servan]

Victor 67741-A, vers 1906

Une chanson de Judic (Paul Boisselet et Adolphe Lindheim - voir également à La chanson française à la Belle Époque)

"N'me chatouillez pas"

Victor 67741-b-5373h - avant 1910

Du répertoire de Paul Delmet (Delmet et Vaucaire)

"Les petits pavés" - circa 1898

Pathé - n° 1048 au catalogue 1907

Et de cette grande tyrolienniste

"Fleur du Tyrol"

Cylindre Pathé (n° 1210) - 1902

Puis, une autre chanson créée par Yvette Guilbert :

"Gare les rayons-X" -sur Les pages de l'Archéophone - ici.


Notes :
[1] Voir la page dédiée.
[2] Stéphane Filion nous fait remarquer, en juin 2010, qu'au catalogue 1911 de la firme Edison, 23 cylindres sont inscrits au nom de Mme Rolliniet que pour quatre d'entre eux le nom de J. Rollini est mentionné. - "J" pour "Juliette" ? Oui si l'on se fie à un deuxième message :
Jean-François Chariot, même date, nous rappelle que le cinéaste Ferdinand Zecca (1864-1947)notez le "Z" - avait un frère prénommé Louis et que ce Louis (Louis Eugène) avait comme pseudonyme "Z. Rollini" du fait d'avoir épousé une certaine Marie Juliette Rollin, artiste lyrique. "Rollini", "Z", ", "Juliette"? voilà qui est plutôt curieux.
Pour la petite histoire : Madame Z. Rollini née Marie Juliette Rollin serait née à Paris le 18 septembre 1860, fille d'un mécanicien et d'une giletière non encore mariés. En 1877, elle a 16 ans, elle est dite chocolatière et épouse un certain Léon Raphaël Cans, dont elle se sépare rapidement. Probablement pas un gentil garçon, le jugement de divorce lui est signifié en prison... - Idem
[3] Les accords qui unissaient Madame Rollini à Pathé semblent rompus vers 1903, 1904 mais sa carrière phonographique ne sombre pas pour autant car on la retrouve à nouveau chez Pathé en 1907 (une douzaine de titres).
[4] 28 enregistrements avec Charlus en 1903.
[5] Dans le Répertoire Dalbret on trouve une chanson, "Petits petons" signée Z. Rollini... et un petit format datant de 1916, "Les exploits d'Élaine", indique également, comme auteur et compositeur, un ou une certain(e) Z. Rollini... (Note de l'auteur)