Paulus

Jean Péheu

Gabin, père

Perchicot


Bourvil

05  EN REVENANT DE LA REVUE

1886 - Paroles de Lucien Delormel et Léon Garnier, musique de Louis-César Desormes.


e grand succès des années quatre-vingt, c'est celui-là, créé par Paulus, en mai 1886 à la Scala, Paulus qui avait entamé difficilement une carrière d'interprète dix ans auparavant mais qui, un jour, découvrit qu'il pouvait soulever l'enthousiasme du public en se promenant d'un bout à l'autre de la scène, dansant, gesticulant, suant, tout en chantant "Les pompiers de Nanterre" [*]. - Sans le savoir, il venait de créer un genre nouveau, celui du gambilleur (de gambille, mot picard signifiant jambe et, par extension, danse), particulièrement adapté pour chanter "En revenant de la Revue".

Il n'a pas été filmé - voir la note [**] ci-dessous - et sa voix n'a jamais été enregistrée (voir la note [***]) mais les descriptions qu'ont faites, de ses prestations, ses contemporains, les disques publiés sous son nom, les affiches et les photos qu'ils nous a laissées nous donnent une assez bonne idée de ce que devait être un tour de chant à la Paulus. - Plus tard, d'autres artistes viendront et gambilleront sur scène : Mayol dont toutes les chansons furent tout au long de sa carrière accompagnées de gestes et de pas de danse, Georgius, aussi, qui essoufflait son public mais qui, lui, n'était jamais essoufflé ou encore Georges Milton qui, lui, a eu le bonheur (pour nous) d'être filmé (voir en sa page, l'extrait de "La fille du Bédouin"). - Plus près de nous, on n'a qu'à songer à un Yves Montand interprétant "La fête à Loulou". - Personne cependant ne semble avoir pris la relève de ce Paulus dont les refrains résonnent encore dans notre inconscient collectif.

La chanson à l'origine de ce grand succès doit son existence à un ballet écrit par Louis César Desormes. - Le ballet dont on ignore jusqu'au nom a été vite oublié, mais l'air entraînant de ce passage plut immédiatement à Paulus qu'il confia à ses paroliers favoris et la chanson qu'ils en tirèrent devint immédiatement un grand succès. - Puis, un soir, en l'honneur du Général Boulanger, Paulus changea le dernier vers du deuxième couplet ;

"Moi, j'faisais qu'admirer
Tout nos braves petits troupiers."

devint

"Moi, j'faisais qu'admirer
Notr' brav' général Boulanger."

Ce fut le délire. (Les paroles au complet se lisent ici).

"Je n'ai jamais fait de politique,mais j'ai toujours guetté l'actualité" affirma-t-il dans ses Mémoires [****]

Et comment ! Jusqu'à la toute fin de sa carrière, Paulus dut conserver cette chanson à son répertoire, Général Boulanger ou pas. - Lors de l'exposition de 1898, on était obligé de fermer les portes de l'Alcazar à huit heures du soir, tant était grande la foule qui voulait voir et entendre celui qui, au dernier refrain, hissait son haut de forme au bout de sa canne et entamait son "Gais et contents..." en chevauchant un cheval imaginaire.

Est-ce à cause des paroles plus ou moins grivoises ou à cause du tempo - très militaire, soit dit en passant (voir au numéro 2) - de la gaieté qui se dégage de son refrain que l'on se souvient encore de cette chanson ? - Elle a plus de cent ans et voyez, si, parmi vos récents ou plus anciens souvenirs, elle ne fait pas partie de celles que vous croyiez avoir oubliées.

L'interprétation que nous proposons d'abord est celle de Jean Peheu. - Elle date de 1909 :

Disque Favorite - n° 17275

Et puis pourquoi pas deux autres ? La première, d'un des rares enregistrements de Gabin, père, chez Columbia, en 1906. (Source : Jean-Philippe Maran)

Disque Columbia - n° 26396

La deuxième date de 1933 et donnera une idée du style de l'époque. Elle est de Perchicot :

Provenance inconnue (retrouvée sur une bande)


Autres interprétations suggérées

Georgius, à 59 ans, en 1950 et Guy Béart, dans une étonnante version, en 1982 mais la meilleure de toutes est sans doute celle de Bourvil en 1950.

En voici un extrait :

Disque Pathé n° PG 421

Le boulangisme... en Amérique ?

Oui et non. Disons qu'une chanson aussi entraînante n'allait pas limiter sa carrière en France d'autant plus que Paulus, lui-même, est venu la chanter en Amérique sauf que... bon, le boulangisme, de ce côté-ci de l'océan, n'a pas fait la une des journaux et que des paroles se référant à une revue militaire française ne se sont pas répandues comme certains l'auraient souhaité. La musique, cependant, fut retenue et dans la plus pure tradition de la musique populaire québécoise, elle a été reprise par ses violoneux, joueurs d'harmonica, de scies, de cuillères... d'où la version qui suit d'Henry Lacroix (au violon) et Arthur Joseph Boulay (à l'harmonica), enregistrée en 1930 chez RCA Victor (n° 263734-A), mais attention, hein : pas sous le nom d'"En revenant de la revue" mais bien, par une de de ces déformations dont l'histoire a le secret sous le nom de... "La marche du boulanger" (sic !) - Comme quoi, quand même, le boulangisme n'est pas complètement passé inaperçu au Québec...

etiquette Victor

"La marche du boulanger"

Merci à notre collègue d'IdentitAIRS québécois qui nous l'a fait découvrir.


Notes

[*] Scie de Philibert et Burani (Le sire de Fisch-Ton-Kan, 1870) pour les paroles et d'Antonin Louis pour la musique (Les pioupious d'Auvergne, 1887) qui ne fut reprise, à toutes fins utiles, qu'en 1933 par Bach et Laverne dont le 78t de cette année-là ne fut pas repiqué, lui, avant 1999 dans un coffret EPM intitulé Bach et Laverne, les créateurs du théâtre phonographique ADE 658 - 984482. - Parlez d'un succès méconnu ! - On écoutera un extrait de ce repiquage en notre page sur Bach (lien ci-dessus).

[**] Selon divers renseignements, glanés ici et là, Georges Méliès aurait, dans son studio, filmé, en 1897, Paulus chantant cinq chansons soit : En revenant de la Revue, Coquin de printemps, Le Père la Victoire, Derrière l'omnibus et Les duellistes marseillais (?) supposément à la demande de ce dernier qui, fatigué et "sourd" (sic !) voulu que l'on présente ces films au Parisiana tandis qu'il aurait chanté derrière l'écran, mais les renseignements disponibles à leur sujet sont plus du domaine des légendes qui entourent la production de Méliès dont la plupart des films ont été perdus. On ne sait s'il pouvait s'agir de reconstitutions telles que celles que Méliès a tournées sur l'Affaire Dreyfus. - Dans les listes plus ou moins officielles de ses films, on retrouve deux titres : Coquin de printemps et Le duelliste marseillais (au singulier), les deux étant des bobines de 20 mètres... C'est peu pour des chansons.

[***] Une certaine légende veut que Paulus aurait endisqué une chanson intitulée "Chapeau rose et fin mollet" pour la firme Homocord vers la fin de sa vie mais... - Voir la page que nous lui avons dédiée pour de plus amples renseignements.

[****] Paulus - Trente ans de Café-concert. Voir à Mémoires