Affiche en provenance
du site Les Silos





Petits formats de Claire Simon-Boidot







Autre portrait extrait du magazine
Les chansons illustrées

Armand Baldy

rmand Baldy, né vers 1865, décédé au début des années vingt - peut-être même avant - fait partie de ces milliers d'interprètes qui ont œuvré dans les cafés-concerts et les premières grandes salles entre 1870 et la Guerre 14-18.

Faites le décompte :

À Paris, durant la glorieuse période du café-concert, entre 1890 et 1914, on a dénombré jusqu'à deux cents étalissements d'un genre ou de l'autre où l'on donnait des spectacles chantés. À cinq (certains affichaient jusqu'à dix) "artistes" par soirée, - sans compter les départements et les tournées -, il est facile de s'imaginer la quantité de musiciens, chanteurs, danseurs, accompagnateurs, petites et grandes vedettes nécessaires pour divertir la clientèle.

Parmi ces illustres et moins illustres et tout-à-fait oubliés chanteurs et vedettes, il y a eu ce pauvre Baldy et si, sur certains petits formats, on peut compter, en plus de l'auteur, du compositeur et du créateur, jusqu'à vingt, trente interprètes, son nom figure rarement.

Il figure rarement parce que, en plus d'être un nom qui n'a été inscrit qu'une ou deux fois dans le haut d'une affiche, il fut à peu près le seul à jouer le personnage du "vieux beau" qui n'était ni tout à fait comique, ni tout à fait romantique et dont le répertoire, naturellement, était plutôt limité.

Et puis il semble y avoir eu deux Baldy :

Un premier, celui que l'on décrit comme étant"d'une élégance burlesque, avec habit, gilet, guêtres blanches, monocle, fine moustache et raie au milieu des cheveux" qu'une caricature de Sem nous confirme et puis, à partir de 1900, un gros joufflu dont un Paris Qui Chante de 1904 (n° 76 du 3 juillet) nous renvoie un visage joufflu, une tête frisée et un regard assez vague.
Quant à son habillement...

Pas eu, le pôvre, l'honneur d'avoir, comme Caudieux, une affiche pour l'immortaliser.

C'est qu'il a quand même chanté. Et longtemps :

Il est à La Cigale en 1887, 1888, 1892 (il y reviendra d'ailleurs, plusieurs fois, entre 1906 et 1914) ; à l'Horloge en 1894 ; à la Scala et à l'Alcazar d'Été en 1900 puis en 1902 et en 1903, au Commerce, à Parisiana, au XXe Siècle et aux Folies Parisiennes vers à peu près les mêmes années. Plus tard, à partir de 1905-1906, on le retrouve : au Casino de Montmartre, au Café Saint-Martin, chez Fourmin, à la Gaîté-Montparnasse, à l'Univers...
- Chauveau [*] nous le replace même au Moulin Rouge en 1907.

Peu avant 1910, l'on perd sa trace et des petits formats qu'il nous a laissés, aucun ne date l'année 1908.

Aucun enregistrement connu.

On lui connaît des chansons aux titre évocateurs : "La marche des vieux beaux", "Pamela" et surtout "Ma Frissonnière" (Briolet et Lelièvre pour les paroles, Lestac pour la musique)... qui donne une idée du genre du Monsieur (deuxième période) :

Je me suis installé
Dans l'plus chic des quartiers
Un log'ment
Très galant
Que j'appell' ma frissonniè-è-re
Tout y est
Discret
J'ai des tapis, des portières
Et de plus dans mon grand lit,
Mesdam's, mon sommier n'fait pas de bruit.

Refrain
Au 59
D'la rue Marbeuf
Venez me voir
Un soir
Et vous trouverez
Ce qu'vous cherchez
Des pamoisons
Et des frissons.
À vos genoux
J'pendrai pour vou
La crémaillère
Sans hésiter
V'nez visiter (et/ou étenner)
Ma frissonniè-è-re.

Un' duchesse, l'autre jour`
Pour prouver son amour
M'dit : V'nez,
Vous chass'rez
Sur mes terr's la s'main' prochaine."
Je lui réponds
Sans façons ;
"V'nez plutôt dans les miennes
Et pour vous d'main matin
Il y aura toujours un lapin."

Au refrain

J'possèd, des tableaux ;
Pour juger s'ils ont beaux
Chaq' matin,
Des rapins,
J'fais v'nir les femm's les plus belles.
Je connais
Traits pour traits
La plupart des modèles.
Avec ell', mieux qu'au salon,
Je fais des p'tit's comparaison.

Au refrain

Chez Maxim, un trottin
M'demandait un festin
J'dis : "J'peux pas
Mon pauvre chat,
J'ai l'estomac difficile.
Viens souper,
Mon bébé.
Dans mon p'tit domiciele
T'voyant fair', p't'êtr' que j'pourrai
M'offrie une caille, su canapé."

Au refrain

J'ai. les soirs de gala,
Des tzigan's qu'on n'voit pas
Jouant tout bas
Du Métra.
Quand je flirt' près d'un' danseuse,
Puis un air de Wagner
Si c'est un' grand' chanteuse ;
Valse lente à l'occasion,
Pour femm's mariées, car c'est plus long.

Au refrain

Peut-être qu'on trouvera là une des raisons de la disparition des cafés-concerts...


[*] Music-hall et Café-Concert - Bordas, 1985