Calendrier : Place au jeûne...Carême accourt d'un pas allègre,
Pour moi, j'en suis ravie... et ne m'en cache pas !
Car chez l'ami PRUNIER je m'en vais faire "maigre"
A la table où Balthy d'ordinaire fait "gras" !
Jeanne BLOCH.
Avec Mayol à la Fête du Café Concert en 1908 Source Gallica
Jeanne Bloch travestie en Armand Fallières
(VIIIème président de la IIIème République française
de 1906 à 1913)
La même avec la danseuse étoile
milanaise Carlotta Zambelli (photomontage)
Jeanne Bloch
nterprète née à Paris, le 28 décembre 1858 [*], qui, de 1872 (Alcazar d'Hiver) jusqu'au milieu des années dix (Scala) en passant par le Parisiana et la plupart des grandes salles, fit rire tout Paris par sa seule présence sur scène. On la connaît aussi sous le nom de Mademoiselle ou Madame Block.
On l'appelait "la colossale chanteuse" sauf que, d'une colosse, elle n'avait, plutôt petite, que le tour de taille. Un mètre soixante, disait-on, mais un mètre soixante dans toutes les directions.
Elle n'avait pas besoin de chanter ni de jouer la comédie : il lui suffisait de paraître pour déclencher l'hilarité mais elle savait aussi chanter et ses interprétations ne laissaient personne indifférent.
Parmi ses compères des dernières années, le non moins talentueux Claudius avec qui elle joua dans diverses pièces de P.-L. Flers, Lafargue, Quinel et Moreau, de Grosse, Nanteuil, etc.
Dans ses Mémoires, Paulus (chapitre 21), rapporte ses paroles comme suit :
"Pas plus haute qu'une botte de garde municipal, je connaissais tous les refrains de la rue et du concert et je les roucoulais du matin au soir à la maison où j'épatais les parents et amis. Comme j'étais timide, je me blottissais sous la table pour chanter ; c'était là une scène et je m'y tenais debout. C'est dire si j'étais petite, hein ! Quoi ? vous avez l'air de penser que je n'ai guère changé ? Si, monsieur ! Seulement comme je n'aime pas faire comme tout le monde, j'ai grandi en largeur. Non, je ne fais pas comme les autres, mais j'adore les imiter parfois. Étant toute gamine, dans un petit théâtre, j'ai imité Thérésa, dans la Chatte Blanche. (On pouvait déjà deviner que plus tard je pourrais singer Sarah Bernhardt, Coquelin, Yvette Guilbert, et vingt autres, de la façon qu'on sait).
"Un jour, Déjazet, la grande Déjazet, ayant entendu parler de moi, voulut voir le petit prodige et m'engager dans son théâtre, un matin pour jouer un petit rôle le soir même. Ah ! il ne me fallait pas beaucoup de temps pour apprendre ! Je savais tout par intuition, sans avoir jamais rien appris.
"Déjazet, enchantée de sa petite pensionnaire, me prend sur ses genoux et me dit de lui chanter quelques chose. Je m'exécute et je lui sers une imitation de Déjazet, dans Monsieur Garat. Non ! ce qu'elle m'a félicitée, embrassée, cajolée, tout en riant et me faisant bisser et trisser ! Comme remerciement, elle m'a donné son portrait avec cette belle dédicace : "Tous mes vœux pour votre avenir", prédisant mes succès futurs. Vous pensez si je garde précieusement un souvenir comme celui-là !
"Depuis ce temps-là, j'ai fait du chemin, cherchant toujours à innover, à créer des types. Avant que les femmes aient songé à s'émanciper, j'ai chanté les femmes-avocates, les femmes-cochères, les femmes-soldats, je suis la précurseuse du féminisme, moi ! je le dis sans modestie et puis, zut ! pour la modestie ! c'est presque toujours de l'hypocrisie et je ne tiens pas cet article-là"
Jeanne Bloch mourut à 58 ans à Paris (18e) le 14 août, 1916 [*].
Ajout du 7 août 2012
A la faveur de notre travail sur les Chansons Illustrées, nous sommes tombés sur la relation d'un fait divers croquignolesque (paru page 15 du n° 59), que nous n'hésitons pas à vous livrer...
"UNE MATINÉE" A LA CORRECTIONNELLE
Avec la troupe de la Scala, appelée a témoigner devant la 9e Chambre, on aurait pu organiser un très joli concert.
Il s'agissait d'une de ces "causes grasses" qui sont la joie du Palais, en déridant jusqu'à messieurs les gendarmes.
Sous le titre de : LES INDISCRÉTIONS D'UNE CARAFE FRAPPÉE, le journal Le Droit esquisse la silhouette de la demanderesse :
"Mlle Jeanne Bloch, qui jouit d'une certaine réputation parmi les habitués de laScala, n'est pas non plus une inconnue pour les habitués des Chambres correctionnelles, qui se rappellent l'avoir vue jadis à l'occasion de je ne sais plus quel démêlé avec une autre artiste du même concert. L'œil un peu plus noir, la lèvre un peu plus rouge, les cheveux un peu plus blonds, la taille un peu moins mince et le nez toujours aussi parisien, la voici encore. C'est toujours la même petite femme, habile comme pas une, parait-il, à lancer le refrain gaillard, et grandement indignée de l'aventure qui, le 31 août, mit laScala sens dessus dessous."
Ecoutons maintenant la plaignante :
- Je venais de chanter ma première chansonnette, j'en étais au troisième couplet de la seconde quand, d'une loge occupée par Mlle B. et par M. M., je reçus une pluie de bocks, verres et soucoupes. Finalement, une carafe frappée vint m'inonder et me forcer à quitter la scène pendant une quinzaine. Une robe de 400 francs, vert et or, fut perdue sans retour, etc.
Et Mlle Jeanne Bloch réclame, contre la demoiselle B. et son amant, 10 000 francs de dommages-intérêts. - Bigre !
Dénouement : - le Tribunal a condamné Mlle B. à 100 francs d'amende et à 800 francs pour les dommages.
M. M., dans les bonnes grâces duquel Mlle Bloch aurait précédé la délinquante, a été acquitté comme ayant été témérairement assigné ; l'adorée de naguère supportera les frais de son instance contre l'infidèle.
- Oh ! les hommes, s'écria Mlle Genève, ce sont eux qui ont fait les lois !
- Tout ça, ajouta Caudieux, c'est des histoires de femmes.
Mais la Scala n'en revient pas.
Blockette
Blockette
Jeanne Bloch a une sœur, également dans le métier, Fanny née le 15 janvier 1863 à Paris (4ème) et décédée à 93 ans le 18 octobre 1956 à Paris (12ème).[**]
[*] Merci à Patrick Ramseyer pour ce renseignement. [**] Merci à Claire Simon-Boidot pour ces renseignements, les petits formats, la photo de Mme Bloch en tourlourou et l'affiche en provenance de Paris MUSÉES.