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CHAPITRES
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01 - Moi
02 - Je suis née
03 - Rovigo
04 - Mustapha
05 - Maman
06 - Premier contact avec Paris
07 - Famille
08 - Les Bosano
09 - Ma "Mère" Goetz
10 - Mes débuts artistiques
11 - Des Ambassadeurs à la Scala
12 - Premières déceptions sur le théâtre
13 - Claudine
14 - Avec Jean Lorrain au pays de Marius
15 - Dédicaces
16 - Chez les Fous
17 - Le Friquet
18 - Mon voisin
19 - Yves Mirande et "Ma gosse"
20 - Quelques auteurs, quelques pièces
21 - "Le visiteur"
22 - "Au pays des dollars"
23 - Un directeur moderne
24 - 1914
25 - Les bêtes... et les humains
26 - Le Fisc !
27 - Série noire
28 - Mon portrait par la Gandara
29 - Jeux de l'amour... ou du hasard
30 - Ceux qui me plaisent
31 - Au foyer des cigales

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Polaire par elle-même

Chapitre 1


MOI

Je vais vous livrer ici les souvenirs de mavie, tels qu'ils s'agitent en mon âme tumultueuse.
J'ai l'impression que c'est comme un cri que je ne puis ne pas pousser... Cri d'appel, de détresse, dejoie, ou d'adieu ? Je ne sais ; aussi bien ne me suis-je point souciée de le démêler...

Je tiens cependant à ne pas avoir l'air deposer à la femme de lettres, tant s'en faut ! Vous verrez plus loin comment etpourquoi je ne suis jamais allée qu'à l'école maternelle, à un âge où je tenaisà peine sur mes jambes ; je n'y ai, en tout et pour tout, appris qu'à tracerdes bâtons qui ne marchaient guère plus droit que moi. Ce n'est que plus tard,au hasard des leçons de la vie, que j'ai pu, acquérir les notions qui m'avaient manqué, apprendre à exprimer à peu près ma pensée. Je dis les choses telles que je les ressens, et rien n'a flétri en moi cette petite fleur bleue que j'ai toujours gardée au fond du cœur.

C'est donc en bavardant, voulez-vous ? Que je vous dirai, au hasard du souvenir, les mille choses que j'ai vues, sans ordre,peut-être, mais en toute sincérité. Oh ! Je sais qu'on ne peut pas toutraconter, surtout quand on parle des autres. En ce qui me concerne, j'entendsêtre très franche ; je ne le serai pas moins pour les gens dont j'aurai à vousentretenir, sous les réserves qui s'imposent notamment en regard de certainespetites canailleries que la vie moderne semble accepter, de plus en plus, avec uneindulgence amusée dont je ne dois pas être la seule à me trouver confondue.Toute vérité n'est. pas bonne à dire, je ne l'oublie pas, mais tout ce que jevous révèlerai restera de la plus rigoureuse exactitude.

Les impressions dont je vous ferai part me demeurent, j'y insiste, personnelles, Il est même possible que je me sois parfois trompée sur le compte d'autrui, tout comme on s'est, si souvent, imaginé à mon sujet des choses complètement erronées : chacun n'est-il pas libre de ses opinions. Parce que j'ai débuté - et réussi - très jeune, que je suis née avec une peau très mate - ce qui n'est pourtant pas si rare sous le soleil d'Alger - parce que j'avais une taille fine à l'excès, et un physique que l'on n'était pas, alors, accoutumé de rencontrer à Paris, on a affecté de ne voir en moi qu'un phénomène. Les amateurs de déductions faciles ont étendu à ma mentalité les traits exceptionnels dont la nature avait gratifié mon corps et mon visage! Il paraît que j'incarnais le Vice, avec un grand V, s'il vous plaît ! J'ai laissé courir les légendes. Et puis, j'ai été longtemps à ne pas croire au mal : Dieu sait, pourtant, si je l'ai souvent côtoyé, à mon insu ! Et, d'ailleurs, la Vie n'a-t-elle pas créé pour nous le maximum de sensations, sans qu'il soit besoin d'aller solliciter les raffinements extravagants qu'on étale si complaisamment aujourd'hui. A mon avis, snobisme mis à part, ne ont par les êtres incapables d'éprouver ce que la nature a mis à leur disposition, ou ceux qui n'ont plus suffisamment les moyens d'en profiter, qui font appel à des recherches maladives pour provoquer la vibration impuissante, goûter l'extase qui se refuse ! Les tempéraments sains ne m'ont jamais paru avoir besoin de cesplaisirs artificiels. Vous voyez, je laisse vagabonder mon esprit au gré de mesimpulsions ; je voudrais pourtant essayer de mettre un peu d'ordre dans tout cequi se heurte en moi de sensations et de souvenirs. Tâchons de commencer par lecommencement, ce qui est encore la méthode la plus pratique. Toutefois, ilm'arrivera certainement de m'évader, ayez l'indulgence d'admettre que celapuisse tenir lieu de l'antaisie. Que voulez-vous, je n'aime guère, pour moi,ces parterres où tout est géométriquement planté, disposé et taillé ; j'ail'impression que les arbres y sont en tôle et les végétations en zinc. Combienje préfère, au contraire, les massifs touffus, où les corolles, à leur gré,paraissent lutter pour se chiper mutuellement la meilleure place... Souvent unbeau désordre est un effet de l'art. Ces souvenirs couleront donc, sous maplume, épars et touffus comme dans les parterres que j'aime... Ceci expliqueque, sous les fleurs que je m'efforcerai de répandre, il y aura peut-être,parfois, quelques épines... Mais nul jardinier ne les aura, du moins, dissimulées,plus ou moins savamment aussi ne risquent-elles pas de piquer...


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