Pizella


Fred et Stéphane

e tous les renseignements que nous avons recueillis au fil des ans sur les auteurs, compositeurs, interprètes des années vingt, trente, quarante, rien ne nous a préparé à démêler l'écheveau de ceux concernant ces deux personnalités de la scène et de la radio qui, pour une raison ou une autre, ont souvent été et sont toujours confondus. - La sérieuse Internet Movie Data Base, par exemple, continue d'appeler Fred, "Stéphane" en énumérant sur une seule page les titres de leurs films respectifs, l'un en tant que comédien, l'autre en tant que scénariste et nous lisions encore récemment, sur Wikipedia, que Stéphane avait été non seulement scénariste mais également auteur de chansons, ce qui est loin d'être exact.


Alfred

(dit Fred) d'abord,

Il est né à Naples en 1897, ce qui ne peut vraisemblablement en faire le père ou le frère de Stéphane, né en Corse en 1909.

Il est décédé dans un accident de voiture, près d'Évreux, en 1937. Il ne saurait, dans ces conditions avoir été l'un des scénaristes de L'île d'amour de Maurice Cam (avec en vedette Tino Rossi) en 1944 ni du Carrefour des enfants perdus de Léo Joannon la même année.


Stéphane

On lui attribue les paroles de "Ce n'est que votre main, Madame", "créée" par Fred (voir ci-dessous) en 1929 dans une revue de Mistinguett au Casino de Paris (Paris-Miss) ; or, si le nom de Fred a été accollé à cette chanson, les paroles en étaient non pas de Stéphane ni de lui mais bien de Léo Lelièvre, père (musique de Ralph Erwin) [*]

C'est bien lui, cependant ? Stéphane et non Fred - qui fut reporter dès 1932 au magazine de Gallimard, Détective (tandis que Fred était, à ce moment-là, au Casino de Paris ou à l'Empire ou même à Londres) puis, de la fin des années quarante jusqu'au début des années soixante le producteur, réalisateur et animateur à la radio que l'on connaît (Musique sans passeport, Les Nuits du bout du monde, Moments perdus...)

Il a publié - Stéphane, toujours et non Fred - quelques livres (Ballades pour un homme seul et Les nuits du bout du monde, chez André Bonne en 1953 de même que Concerto pour une ombre, chez le même en 1956) mais il ne fut pas le comédien des six ou sept films dans lequel son homologue Fred joua divers rôles : dans Gagne ta vie d'André Bertomieu en 1931, dans Les époux célibataires de Jean Boyer et Arthur Robison en 1935 ou encore dans Les gais lurons de Paul Martin et Jacques Natanson en 1936 (film mettant en vedettes Lilian Harvey et Henri Garat).

Vous voyez ce dont nous voulons parler ?

Les photos des deux sont rares. Existe, sur le WEB, une ou deux photo(s) miniature(s) de Stéphane mais de Fred, nous n'en avons retrouvé qu'une seule dans nos fiches, visiblement, d'après l'épaisseur du papier, parue dans un magazine mais lequel et quand, nous ne serions vous dire. C'est celle que nous reproduisons ici (cf. médaillon en haut, à gauche).

Il (Fred ? ne nous mélangeons pas) a les cheveux noirs, un profil aigü, il a l'air charmant, gentil, dans la lignée des Henri Garat ou des Tino Rossi. Diverses coupures ou notes nous apprennent qu'il dansait, jouait la comédie, chantait dans un style désinvolte, grâcieux et élégant ; de quoi vivre longtemps de son métier mais hélas, il disparut sans avoir atteint sa quarantième année.


Côté enregistrements

Les choses sont plus claires...

Stéphanen'a jamais enregistré de disques. Fred, par contre, malgré sa courte carrière (une douzaine d'années), en a gravé près de soixante-quinze (dont deux avec Maurice Chevalier, tout à ses débuts en 1926, l'un à Paris, l'autre à Londres) ; la plupart de ces chansons furent tirées de comédies musicales ou revues dont il fut de la distribution sinon la vedette. Parmi ces comédies et revues, citons :

Paris en fleurs (1925) en compagnie de Maurice Chevalier,

Paris-New-York (1927) au Casino de Paris, en compagnie des Dolly Sisters,

Lulu (1927) , texte de Serge Veber, musique de Philippe Pares et de Georges Van Parys,

Paris-Miss (1929), avec Mistinguett, au Casino de Paris,

Paris-Madrid (1929) au Palace, au côté de Raquel Meller,

Couss-Couss (1931), texte de Jean Guitton, musique de Philippe Pares et de Georges van Parys encore une fois (au côté de Dranem)

Xantho chez les courtisanes (1932), texte de Jacques Richepin, musique de Marcel Lattes

Loulou est ses boys (1933), texte de Marc Cab, Paul Farge et Pierre Beyle, musique de Michel Emer et Georges Seller...

De tous ces enregistrements, nous vous en présentons deux extraits car si ses photos sont rares, il en est de même de ses disques que seuls de rares repiquages nous renvoient.

Le premier, dans une chanson qui, après diverses aventures, finit par lui appartenir malgré les nombreux autres enregistrements qu'on a faits et qu'il a dû, lui-même, repreprendre deux fois avant que Columbia décide de l'accepter et que l'on peut retrouver aujourd'hui dans un coffret intitulé Le Casino de Paris et ses revues (EPM 982912 - 1993) et que nous avons cité ci-dessus (10 mars 1929 - Au piano : Georges Van Parys) :

"Ce n'est que votre main, Madame"

n° D 191983

Le deuxième, dans un tout autre registre, enregistré en novembre 1933 avec l'orchestre du Théâtre Doudou, direction Michel Emer, de l'opérette Loulou et ses boys (qui se déroule, justement, dans un bar) ? du site de Jacques Gana sur la Comédie Musicale en France :

"Dans les grands bars"

Disque Pathé n° PA 34


[*] À l'origine, une chanson allemande, paroles de Fritz Rotter, créée par Harry Liedtke dans un film de Robert Land, "Ich Kûsse Ihre Hand, Madame" qui mettait en vedette Marlène Dietrich, adapté en français par André-Jacques Bloch, Fernand Vouvray et Henri Varna pour une revue de Jacques-Charles et de Earl Leslie, Allô ici Paris, revue qui mettait en vedette Elsie Janis et qui n'eut aucun succès mais qui fut reprisedans Paris-Madrid deux mois plus tard, avec Raquel Meller, non sans avoir été chantée, semble-t-il, dans Paris-Miss au Casino de Paris...