PAGES ANNEXES
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Petits formats VII
La Fondation Dranem



Armand Ménard à deux ans



Armand Ménard à quatre ans



Armand Ménard apprenti bijoutier



>Armand Ménard garçon de magasin















Dranem entre les sœurs Hortensia
(Édith Méra et Olga Valéry)



Dranem chevelu !
dans Alfred à l'Eldorado
( n°349
du 10octobre 1909




Dranem
2ème Collection Félix Potin 1908 - 1922)



Fondation Dranem
(Vue aérienne actuelle)



La villa de Dranem face au Port des Olivettes au cap d'Antibes. [2]


Dranem

rmand Charles Ménard, dit Dranem, interprète né à Paris le 23 mai 1869, mort à Paris le 13 octobre 1935.

D'abord apprenti-bijoutier, il entre, après son service militaire comme garçon de magasin chez un marchand de bretelles de la rue Greneta en 1892. Déjà, cependant, il chante la chansonnette comique dans diverses troupes d'amateur où il est connu pour son entrain et sa bonne humeur. En juin 1893, il quitte son emploi pour entrer temporairement dans un autre magasin, rue Béranger, qui lui donne cependant plus de temps libre.

Le 1er avril 1894, sous le nom de Dranem (anagramme de Ménard), il fait ses débuts à l'Electric-Concert, au champ de Mars, comme "chanteur comique" genre Polin. Deux jours plus tard, son cachet est réduit de moitié.

Il passe ensuite au Concert de l'Époque où il joue la comédie interprétant, entre autres, le rôle d'Anatole Garadoux dans les Deux timides de Marc Michel et Eugène Labiche.

En août 1895, il est au Concert Parisien où il se fait connaître dans des pièces en un acte et dans divers "tours de chant" où figurent deux autres débutants : Félix Mayol et Max Dearly. (Dix ans plus tard, personne ne pourra s'offrir une telle affiche.)

Un jour, au tout début de 1896, il trouve, au carreau du Temple, pour la somme de dix francs, une petite jaquette à basques courtes, un pantalon jaune passé, rayé de vert et un petit chapeau bizarre dont il se revêt le soir même et il entre sur scène plus ou moins en courant, comme si on l'y avait poussé. Il entame, ce soir-là,  les yeux mi-clos et lentement, une chanson aux paroles navrantes d'imbécillité.

C'est le délire.

Francisque Sarcey (Voir également à Paulus, chapitre 4) qui est dans la salle constate : "Dranem est un idiot de génie."

Le genre "Dranem" était né.

Du Concert Parisien, il passe au Divan Japonais où, dans son tour de chant, il montre de plus en plus de finesse dans son jeu de super-niais. - Les critiques de l'époque, décontenancés devant cet homme d'une rare intelligence et qui réussit à faire passer à peu près n'importe quoi, sont dithyrambiques et en peu de temps finissent par en faire une grande vedette.

Il passe successivement à l'Horloge, à l'Alcazar, au Petit Casino, aux Ambassadeurs puis, enfin, le 2 septembre 1899 à l'Eldorado où il va rester plus de vingt ans, y jouant dans plus de 200 pièces ou revues, créant d'innombrables chansons, attirant le tout Paris.

Son grand comique découlait du fait qu'il chantait des énormités sans, semble-t-il, s'en rendre compte et puis - ce qui, évidemment, n'a pas été endisqué - il chante comme si ce que l'on demandait de chanter était la chose la plus importante au monde : une sorte de clown, totalement inconscient de ses pitreries. (Voir ci-dessous un lien vers un clip de l'époque)

Adolphe Brisson écrivant sur lui, en 1905, disait ceci :

"Un pantalon à carreaux sanglé, trop court, laissant apercevoir les chaussettes ; un veston étriqué et miteux ; non pas des pieds, des bateaux ; un énorme nœud de cravate rose géranium ; un minuscule couvre-chef en feutre déteint ; des cheveux roux ; un pif écarlate, écrasé comme une tomate, au centre d'une face blême ; des lèvres fendues au coup de sabre jusqu'aux oreilles, riant d'un rire muet. Ce rire est communicatif. Pourquoi rit-on ? On ne sait... On rit parce que lorsque Dranem rit, il faut rire, et qu'on ne peut s'en empêcher. Cet homme est grotesque ; il l'est immensément, épiquement : qu'il marche en butant à chaque pas,  qu'il s'arrête et se dandine sur des jambes flageolantes,  qu'il se taise, qu'il parle, qu'il se cache la tête dans un mouchoir de cotonnade, comme pour y vomir la fin de ses phrases, ou qu'il les lance au nez des spectateurs en ayant l'air de se moquer d'eux et de lui-même, une drôlerie intense jaillit de sa personne tout à la fois falote et robuste, de sa silhouette de pochard... Ce qu'il dit ? C'est à tel point inepte, plat, grossier, qu'aucun mot ne le saurait rendre... Qu'importe ! Dranem peut raconter tout ce qu'il voudra ; on l'écoute à peine, on le regarde ; on se divertit de sa grimace, de son crane en poire, de son petit chapeau pelé et râpé, des soubresauts de son corps dégingandé, de sa bouche hilare... Il rit ; et l'on s'en veut de rire, et l'on se demande pour quelle cause on rit ; et l'on ne comprend pas... ; mais on rit."

Le grand et exigeant metteur en scène Antoine reconnaît en lui un artiste de la lignée des grands farceurs, des Scaramouche et des Gaultier-Garguille ; il le fait jouer en décembre 1910, à l'Odéon, dans le Médecin malgré lui où il triomphe.
La critique est élogieuse : "Enfin une farce de Molière jouée comme elle le devrait !"

Au cours de la Grande Guerre, il est versé au théâtre des armées : il chante dans les hôpitaux. Puis, en 1918, conscient que le music-hall a fait son temps, il se tourne vers le théâtre, l'opérette et le cinéma. Il devient vite le grand premier comique aux Bouffes-Parisiens (entre autres).

Le chanteur idiot disparaît et laisse la place à un grand chanteur d'opérette :

Opérette Création Théâtre Rôle
Flup !... 1920 Ba-Ta-Clan Flup
Là-Haut 1923 Bouffes Parisiens Frisotin
La Dame en décolleté 1923 Bouffes Parisiens Girodo
En chemyse 1924 Bouffes Parisiens Phœbius Lahirette
Troublez-moi 1924 Bouffes Parisiens Monsieur Picotte
PLM 1924 Bouffes Parisiens Le contrôleur
Trois jeunes filles nues 1925 Bouffes Parisiens Hégésippe
Le Diable à Paris 1925 Marigny Le diable
Vive Leroy ! 1929 Capucine Fabrice
Louis XIV 1929 Scala Louis
Bégonia 1930 Scala Saturnin
Six filles à marier 1930 Scala Adolphe
Couss-Couss 1931 Scala  
Encore cinquante centimes 1931 Nouveauté Hercule Boulot
Un soir de réveillon 1932 Bouffes Parisiens Honoré
Deux sous de fleurs 1933 Empire  
Les Sœurs Hortensia 1934 Nouveautés  
Tonton 1935 Nouveautés Ambroise

... et à un comédien qu'on retrouvera dans les films suivants :

 Film Création Réalisateur Rôle
Le roi des palaces 1932 Carmine Gallone [1] Roi Stanislas
La poule 1932 René Guissart Silvestry, dit La Poule
Monsieur Albert 1932 Karl Anton  
Ah ! Quelle gare ! 1932 René Guissart Tuvache
Il est charmant 1932 Louis Mercanton [2] Emile Barbarin
Miche 1932 Jean de Marguenat Me Raphaël Demaze
La guerre des valses 1933 Ludwig Berger Le juge
Ciboulette 1933 Claude Autant-Lara [3] Père Grenu
Un soir de réveillon 1933 Karl Anton [4] Honoré
Le malade imaginaire 1934 Lucien Jaquelux [5] Argan [6]
Monsieur Sans-Gêne 1935 Karl Anton Le souffleur
La mascotte 1935 Léon Mathot Rocco

Notes :

[1] sur un scénario d'Henri-Georges Clouzot
[2] d'après l'opérette d' Albert Willemetz (voir ci-dessus)
[3] d'après la pièce de de Croiset et de Flers (musique de Reynaldo Hahn)
[4] avec Meg Lemonnier, Arletty et Henri Garat. Opérette de Paul Amont adapté par Jean Boyer, musique de Raoul Moretti (créé aux Bouffes Parisiens - tel que ci-dessus)
[5] et Marc Méranda
[6] évidemment !

En 1923, Dranem rencontre sa seconde épouse Suzette O'Nil ou O'Neill.
Il chante, tourne, joue la comédie, écrit même (Une riche nature [1])... sans doute un peu trop. Il doit, en mars 1935, interrompre sa dernière création, Tonton, parce que malade.

Il allait mourir peu de temps après, exigeant qu'on l'enterre dans le jardin de la maison de retraite qu'il avait fondée pour ses camarades en 1911, maison qui fut connue jusqu'en l'an 2000 sous le nom de "Fondation Dranem" et qui porte aujourd'hui le nom de "Château de Ris", à Ris-Orangis (91 - Essonne). - Aujourd'hui l'établissement est ouvert à tous, artistes ou non.
Maison financée grâce à la fête des Caf' Conc' que Dranem crééra !

.Note [1] : que l'on trouvera en annexe. - Un roman "réaliste", mais d'un "réalisme" suréaliste... dranemesque !

Les titres de ses grands succès pré-opérettes en disent long

  • "Les p'tis pois"
  • "Les fruits cuits"
  • "Pétronille, tu sens la menthe"
  • "Le trou de mon quai"
  • "Le fils d'un gniaff"
  • ...

On en retrouvera plusieurs sur un disque Chansophone (le numéro 116) mais également dans diverses compilations.

De cette période, nous en avons retenu un, de Plébus et Maubon pour les paroles et d'Émile Spencer pour la musique,"La jambe en bois", dont on pourra lire les paroles et qu'on pourra écouter en cliquant sur le titre.

Malheureusement, cet enregistrement (et tous les autres qu'il a fait) ne nous renvoie qu'une partie du comique - toujours pré-opérette - de Dranem. - Pour en apprécier toute l'étendue, ce qu'il faudrait, c'est un clip de l'époque. Or, des clips de Dranem, il en existe grâce à une grande dame du cinéma, Alice Guy, qui, chez Pathé, expérimentant avec le cinéma au début du siècle dernier, a tourné des phonoscènes mettant en vedette des artistes comme Polin, Mayol et Dranem.

Ces phonoscènes dont des dizaines - voire même des centaines - dorment dans les voûtes de chez Pathé seraient, restaurés, d'un grand intérêt, combinant à la fois son et image. -  Nous en avons joint l'extrait de deux d'entre eux - tout à fait exceptionnels - dans nos pages sur Mayol. En voici un autre, mettant en vedette Dranem en 1906 ou 1907 :

Ces quelques secondes (une vingtaine) illustrent clairement ce que devait être un tour de chant à la Dranem.

En 1906 ou 1907, le voici dans "Le five o'clock".

(Cet extrait est tiré d'un documentaire tourné en 1995 par Marquise Lepage intitulé Le jardin oublié : la vie et l'œuvre d' Alice Guy-Blaché.)

Pour ce qui est de sa période "opérette", les disques et les films (dont on trouvera, avec un peu de recherches, ceux qu'il a tournés avec Henri Garat - Il est charmant et Un soir de réveillon) nous renvoient de ce clown génial une tout autre image ; celle d'un artiste accompli dont les seconds rôles, entre autres, demeurent marquants pour l'époque.

De cette époque, nous avons retenu un autre titre.

Il s'agit d'une chanson tirée d'Un soir de réveillon de Jean Boyer et de R. Moretti au moment où Dranem a alors 63 ans.

Le comique - essentiellement parlé - est dans une toute autre veine  :

"La chanson du doge" - Disque Pathé n° X 94305 - 1933

Deux autres clips ?

Pourquoi pas !

1 - Du film tiré de l'opérette précitée (1933 - réalisation de Karl Anton) cette même "Chanson du doge".


2 - Du film, "Il est charmant" de Louis Mercanton (1932) (opérette d' Albert Willemetz), la chanson "J'en suis un". Dranem (Émile Barbarin), clerc de notaire, se présente à Henri Garat.

Note : Nous recevons régulièrement des demandes concernant les paroles de diverses chansons de Dranem. Le problème avec ces chansons, c'est que Dranem n'en composait pas lui-même les paroles ni non plus celles des monologues qu'il interprétait. En conséquence les innombrables chansons qu'il a créées (on parle de plus de mille) sont dispersés dans divers recueils sans compter les douzaines de marques sous lesquelles il en a enregistré à peu près quatre cents. - Lorsqu'il s'agit d'auteurs ou de compositeurs "connus" de chansons reprises en 33 T, disques ou cassettes (souvent les mêmes), on peut retracer ces paroles mais pour les autres...

À noter que certains de ces monologues ont été repris en recueils (photo ci-dessous : collection des auteurs)

Dranem fut si populaire que l'on fabriqua même des statuettes à son image

  

(Collection Philippe Garnier)

Sans trop se tromper, nous pouvons dire que Dranem fut un bon client pour le magazine Paris Qui Chante, dans lequel il apparait dans le numéro :

  • 18 du 24 mai 1903
  • 37 du 4 octobre 1903
  • 55 du 7 février 1904
  • 93 du 30 octobre 1904
  • 144 du 22 octobre 1905
  • 169 du 15 avril 1906
  • 304 du 29 novembre 1908
  • 313 du 31 janvier 1909
  • 319 du 14 mars 1909
  • 323 du 11 avril 1909
  • 349 du 10 octobre 1909
  • 361 du 2 janvier 1910
  • 410 du 10 décembre 1910
  • 562 du 22 février 1914

La "Poupoute" de Dranem
a été précieusement conservée par Monsieur Eric O'Neill [2]

Merci, pour cette fiche, à Internet Movie Database pour la filmographie de Dranem et un grand merci à Jacques Gana dont on retrouvera le site dans nos liens.

[2] : Collection David Silvestre

Dranem sera fait chevalier, en octobre 1923, puis officier, de la Légion d'honneur, en août 1935.