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Le Concert Mayol
dans les années cinquante...



L'entrée du Concert Mayol
10, rue de l'Echiquier en 1913




Plan de la salle du Concert Mayol




L'ancienne entrée du Concert Parisien,
37, rue du Faubourg-Saint-Denis
en septembre 2010)

Concert Parisien - Concert Mayol

aut lieu de la Chanson du temps de Dorfeuil père [*], ce Concert Parisien, qui s'est appelé Grand Concert Parisien avant de devenir Concert Mayol !

En 1730, sur un terrain occupé jadis par le couvent des Filles-Dieu s'installa un grand lavoir dont le sieur Guyon fit un café, en 1852, qu'il vendra au sieur Fournier en 1862. Ce nouveau propriétaire installa une estrade pour une vingtaine de musiciens (surtout des élèves du gymnase militaire du Conservatoire dirigés par le chef Dangeville, gendarme à la Garde impériale) et douze billards, il devint un café-chantant, le Concert Parisien. Fournier s'associa, en 1867 avec Valentin Caquineau, son voisin coiffeur, et le 4 avril, ils inaugurèrent le Grand Concert Parisien. A cause de sa salle toute en longueur, l'établissement fut vite surnommé "Tir au pistolet" puis lorsque la mode fut d'engager maris et femmes, "Concert des Petits-Ménages". En 1894, arrive Dorfeuil père [*] à la direction et Yvette Guilbert, Dranem, Max Dearly sur la scène !

De grands noms ne tardèrent pas à venir rehausser le prestige du Concert Parisien. D'abord, Armand Ben, le créateur du genre "gommeux", et Rosa Bordas, à la voix aussi puissante que celle de Thérésa. La Bordas, comme on l'appelait, alors, y créa d'innombrables chansons, dont une ! Célèbre ! "La Canaille", d'Alexis Bouvier et Joseph Darcier. Pendant la guerre l'endroit servit d'ambulance. Il ferma sous le siège et la Commune, mais rouvrit vite pour permettre aux artistes de lancer de vigoureux appels à la revanche. Les spectateurs reprenaient en chœur les hymnes patriotiques, "Alsace-Lorraine" et "La Marseillaise", que la Bordas entonnait ceinte du drapeau tricolore. Il y eut foule au faubourg. Des luttes de femmes furent organisées. De façon constante, la jolie blonde Victoire Lefrançais... terrassait la tétonante Teutonne Rosa Kauffmann... ! De temps en temps, un maillot craquait, découvrant une épaule ou un sein. Déjà, le strip-tease se profilait. La paix retrouvée, l'établissement modifia sa formule. Outre la première partie, largement consacrée aux tours de chant, Caquineau et Fournier présentèrent des petits actes comiques, des pantomimes et des revues. En juin 1882, après leur longue et heureuse gestion, le tandem passa la main. L'ambitieux et orgueilleux Caquineau, se fit élire maire d'Épinay-sur-Seine. En 1882, le Concert Parisien avait un nouveau directeur, Régnier, dit Kosmydor (surnom que lui valait un vinaigre de toilette qu'il avait lancé). [Paulus - Trente ans de café'Concert - Chapitre 24] et qui quittera le Concert Parisien en 1886. Le Concert Parisien vit et entendit, en 1882, chanter sur sa scène, Paulus , puis Victorine Demay, Bourgès, Bruet, Clovis. En 1889, c'est Auguste Musleck qui dirige le Concert Parisien. Il était le vrai type des tenanciers d'assommoirs faubouriens ; ayant été "troquet", il voulut, un jour, joindre à la vente de l'absinthe et du tord-boyau, "un commerce d'art". Il acheta donc le fonds du Concert Parisien, inexploité et fermé, et pria un "agent de concert" de lui former une troupe. Il fit de piteuses affaires, car, en homme qui veut lui-même défendre sa caisse, il décida de ne point s'en rapporter au seul goût de l'agent, et se mit à suivre ses impulsions propres. Ah ! le goût, le pauvre goût d'Auguste, comme l'appelait familièrement tout le quartier du faubourg Saint-Denis, il était si pitoyable, si "Quai de Javel", si arsouillard, disait Jean Lorrain, que les petits commerçants du faubourg résistaient à ses invites. Il fut déclaré en faillite, quand il s'avisa de prier Thérésa, qui ne chantait plus, de revenir deux semaines sur une scène... Thérésa hésitait, racontait-il, puis, ayant accepté, les recettes montèrent un peu, mais pas assez pour sauver la situation. Alors, il décida de fermer la boîte à Auguste dès la fin de la saison et d'attendre les événements. [Yvette Guilbert - La chanson de ma vie - Chapitre 16] Apprenant l'effondrement du Concert Parisien, Yvette Guilbert proposa à Musleck de financer elle-même sa promotion pour assurer son lancement sur les boulevards. 1 000 francs pour me faire des affiches inondant Paris où vous annoncerez simplement la date de mes débuts à votre concert. Musleck fera imprimer 20 000 affichettes de quarante centimètres qui seront coller dans tout Paris !

Yvette Guilbert.
La diseuse fin de siècle
Le 5 octobre 1891
au Concert Parisien

Résultat incroyable ! Embouteillage du faubourg ! Le Concert Parisien envahi, comme jamais, par le beau monde ! Yvette Guilbert relance la boutique et fait la fortune du "gras" Musleck, qui, pourtant, assigna la chanteuse pour un dédit de 100 000 francs pour avoir chanter sur une autre scène, bien que son contrat l'autorisait. Procès perdu par Musleck. Exit Yvette Guilbert remplacée par Esther Lekain. Mais, plus rien n'allait ! Musleck perdait l'argent gagné. En 1893, il libère la place ! Gil, Albert Petit et le créateur de la Cigale, Jean Forest lui succède, mais le mal est fait ! Même Anna Judic et quelques autres n'empêchèrent la faillite des trois compères. Gil et Forest se retirent et Albert Petit s'associe au directeur de la Gaité-Montparnasse, Georges Dorfeuil. [*] Albert Petit renonce dès septembre 1894. Dorfeuil remet rapidement l'établissement d'équerre ! Dranem qui inventera là son fameux style, Max Dearly chanteur, comédien, danseur, talentueux et en route pour une prestigieuse carrière. Et... et... en 1895, le 31 août, Félix Mayol, un jeune chanteur de 23 ans, connu à Toulon (83 - Var), sa ville natale, comme le "Petit Ludovic" ! comme il le racontera lui-même au chapitre 7 de ses Mémoires. 6 février 1904, le père Dorfeuil quitte ce monde. Sa veuve qui fut son assistante depuis 25 ans aidée de Georges, son fils (deuxième du nom) et de Louis Touzé, auteur, va poursuivre la gestion du Concert Parisien et de la Gaité-Montparnasse. Un jeunot de 18 ans, Maurice Chevalier y entrera dans la carrière, le 12 avril 1907 ! La même année, en septembre Mme Dorfeuil transmet ses pouvoirs à son fils qui a plus d'intérêts pour la Gaité-Montparnasse et sous-loue pour un an le Concert Parisien. Des directeurs parcimonieux à l'excès, persuadés qu'on pouvait gagner de l'argent sans en engager, y prétendirent vivre sur le seul renom de leur scène, dont la vogue avait été si grande. Privée des troupes régulières et solides qui en assuraient le succès, cette salle, jusque là populaire entre toutes, se défendit d'abord tant bien que mal, plutôt mal que bien. Elle tombait bientôt au rang d'une quelconque "boîte de quartier"... L'étrange idée qu'eut un de ses admirateurs d'y présenter dans les mêmes spectacles, des tours de chant de caf' conc' et des pièces du Grand-Guignol, acheva de dérouter les derniers fidèles. Le Concert Parisien, périclitant de jour en jour, abandonné par ses ultimes directeurs, échoit à Georges Dorfeuil fils [*] qui, dans ces conditions, ne pouvait qu'en être lourdement embarrassé. Cet établissement, dont son père avait su faire l'un des premiers dans le genre, il lui eût été douloureux de le voir transformer en une de ces boutiques de "soldes et occasions" comme il en pullule dans le faubourg Saint-Denis. Il souhaitait donc qu'on y continuât de donner des spectacles, et de café-concert, s'il était possible. Trop de chers souvenirs se trouvaient, dans sa vie, attachés à cette conception pour qu'il pût, sans chagrin, en envisager une autre. Le temps passait, pendant ces tergiversations, aggravant encore la situation lamentable du Concert Parisien, qui se trouva, au début de 1910, menacé d'une faillite, hélas imminente..

"A la base de tout, le désir impérieux de rendre service au fils Dorfeuil [*], en souvenir reconnaissant de son père qui, dans cette même maison, avait si bienveillamment facilité, d'abord, puis aidé et encouragé mes débuts." dira Mayol pour expliquer l'achat du Concert Parisien. Et d'ajouter : "j'inaugurai ma direction le 1er septembre 1910, en donnant mon nom à l'établissement. J'avais alors, en effet, un nom solidement établi, et ma situation dépassait de beaucoup ce que j'aurais pu souhaiter dans mes rêves les plus ambitieux."

Il se trouvait alors dans le Midi une quantité de comiques, de diseurs et de diseuses, dont on avait coutume de dire qu'ils "ne pouvaient pas dépasser Lyon". Encore en possession de leur magnifique accent méridional, dont ils n'avaient jamais pu se défaire, ils rayonnaient de Menton à Biarritz, et de Limoges à Lyon, tout au plus. Mais là, par exemple, ils étaient à leur affaire : on les connaissait, et on les aimait ! Certains, même, faisaient recette dans les établissements, où on se les disputait. De ce nombre étaient des concitoyens de Mayol : Tramel et Raimu, ainsi que Sardou. Egalement fleurissait parmi ces méridionaux, Andrée Turcy, une Toulonnaise, qu'une santé délicate et une certaine appréhension de Paris avaient jusqu'alors tenue éloignée de la capitale. Pour être, lui-même, passé par de telles inquiétudes ? Mayol eut donc plus facilement raison de leur hésitation, et les engagea tous les quatre ! L'audace souriant aux jeunes, il n'hésita pas à ouvrir l'entrée principale rue de l'Echiquier [**]. Il aménagea l'entrée des artistes dans un immeuble mitoyen dont la porte cochère ornée de deux angelots était comme un clin d'œil au lointain passé religieux du lieu, que ne profanèrent pas les revues à grand spectacle qui s'y succèdèrent sous la houlette de divers directeurs dont Henri Varna. Mayol finira par vendre l'établissement à Oscar Dufrenne. Là se produisirent des grands noms du Music-hall : Marie Dubas, Lucienne Boyer, Fernandel, Tino Rossi, entre autres. Il redevint Music-hall d'un genre spécialisé dans les années d'après guerre en se consacrant au nu "esthétique" qui cachait sous cette appellation pudique rien d'autre qu'un strip-tease. Le Concert Mayol, définitivement fermé en 1979, eut ensuite, comme les autres Music-halls, diverses destinées : il fut longtemps un libre-service alimentaire, une école de commerce et gestion (style Pigier), puis une entreprise d'informatique, jusqu'à qu'un panneau "à vendre" soit apposé non sans humour entre les mains des deux angelots de la porte. Aujourd'hui le Concert Mayol est devenu un centre de culture chinoise.


Notes :

[*] : Georges Corrard dit Corrard-Dorfeuil Georges Corrard, né le 25 janvier 1873 - Paris 19e et décédé le 13 mai 1923 à Paris 14e , à l'âge de 50 ans. Fils de :

Georges Saint-Yves Corrard dit Corrard-Dorfeuil Georges Saint-Yves Corrard, Directeur de concert, né le 25 juin 1848 à Troyes (10 - Aube) Décédé le 8 février 1904 à Paris 14e , à l'âge de 55 ans.
[**] : A l'époque du Concert Parisien, on entrait par la porte du 37 rue du Faubourg-Saint-Denis.



Le n° 10 rue de l'Échiquier en 1910


Le hall et les escaliers du Concert Mayol


La salle du Concert Mayol vue du balcon


La salle du Concert Mayol vue de la scène


Le bar du Concert Mayol


La billetterie et la caisse du Concert Mayol


Le n° 10 rue de l'Échiquier dans les années cinquante


Le n° 10 rue de l'Échiquier en 1962


Le n° 10 rue de l'Échiquier en 2023

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