(Collection des auteurs)

)























Voir également
Chansons illustrées - Galerie de portraits







(Photos - sauf indications contraires :
Collection Yves Sinigaglia - Tous droits réservés)



Paulus, en 1908
(Collection de feu André Fauré-Mayol)



Paulus


BIOGRAPHIE


Extraordinaire destin que celui de ce Paulus dont on peut lire un peu partout qu'il est né Jean-Paul Habans, dans une famille de petits commerçants,
le 6 février 1845, à Saint-Esprit dans les Landes.

Pour la date et l'endroit, rien à redire sauf que :

Son prénom n'était pas Jean-Paul mais Jean-Paulin ; qu'il n'est pas né dans une famille de "petits commerçants" - rumeur qu'il a lui-même lancée et entretenue toute sa vie - mais bien d'un père inconnu ; que Habans était le nom de sa mère, née Jeanne-Marie, à Espelette,(64 Basses-Pyrénées, aujourd'hui 64 - Pyrénées-Atlantiques) sans profession. - Tous ces renseignements que l'on peut relever sur son acte de naissance que nous a fait parvenir Philippe Beau (Merci Monsieur Beau !).

Pourquoi et comment cette Jeanne-Marie, née à Espelette, s'est, un jour, retrouvée à Saint-Esprit (dans les Landes), un quartier de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) séparé de la ville en 1792 (pour former une commune rattachée aux Landes) et réintégré en 1857 ? Nul ne sait.

Dans ses Mémoires, il annonce au début du deuxième chapitre, qu'il va y parler de sa jeunesse, du comment il est venu à la chanson, mais il en parle très peu, sauf pour son premier engagement (voir ci-après).

Sa jeunesse ? - On sait qu'il a été saute-ruisseau, employé d'une agence de loterie, commis dans une étude d'huissiers et exercé divers autres métiers à la suite de brèves études à Bordeaux.

Et c'est ainsi que commence à se construire une légende.


Il se joint en effet, en 1863, à la "troupe" d'un certain Lansade (une gloire locale) pour une tournée qui se terminera... à Oléron. Il fait ses débuts à Paris, à Belleville, l'année suivante. En 1865, il est à Romainville puis au Concert du XIXe siècle (en 1867). Il chante ensuite à l'Alhambra puis à l'Eldorado mais est vite relégué en Province où, après quelques années, il finit par se bâtir une solide réputation de "chanteur de concert" (la romance étant alors son genre préféré). - Il passe au Jardin Oriental de Toulouse, à l'Alcazar de Marseille, au Casino de Lyon et à nouveau à Toulouse avant de reparaître encore une fois à l'Eldorado (en 1872) non sans être passé aux Ambassadeurs, l'année précédente.

En 1875, à la morte saison, il tente fortune à Marseille en fondant un magasin de couleurs et de produits chimiques tout en remontant à Paris pour la rentrée. - Il n'a cependant aucune disposition pour le commerce et ses affaires périclitent très vite. - En 1877, il est de retour définitivement à Paris (à l'Alcazar d'Été) avec quelques titres dont "Les pompiers de Nanterre" (voir à La chanson française en 50 chansons - au numéro 5 et à Bach et Laverne) mais il n'est plus le même : Ses cheveux ont été coupés en brosse (il expliquera plus tard qu'à force de se promener d'un bout à l'autre de la scène, il avait chaud !), il porte un chapeau haute forme et se présente avec une cane avec laquelle il jongle, escrime, tire des coups de fusil et pendant tout son tour de chant, il s'adresse directement au public se promenant d'un bout à l'autre de la scène. - Le personnage du "gambillard" est né. - Son répertoire s'est modifié en conséquence mais aussi sa personnalité : il lui arrive souvent de s'en prendre à ses auditeurs - l'épisode de son altercation avec un spectateur décoré de la médaille militaire - Belge de surcroît - qui, visiblement, lisait son journal pendant son tour de chant est resté fameux (Voir Mémoires - chapitre 22).

         

Il chante (à la Scala) "Je me rapapillotte" (une chanson "entre deux vins" de Laroche et Tac Coen dont il a composé en partie les paroles) :

Eh ben, grâce à ce p'tit discours
Je me rapapi papillotte toujours
Je me rapapi papillotte
Toujours avec Charlotte (bis)
Je me rapapi pa pi pa pi pa pi pa pi
Je me rapapillote

Ce n'est pas du grand art mais, avec sa voix nette et vibrante, ses gestes rapides, son entrain communicatif, il étourdit.

En 1880, son style est définitivement au point.

Paulus par Jobb
(Gazette Lyrique du 5 au 12 novembre 1881)

François Caradec † et Alain Weill :

"Aucun pastiche n'a pu rendre le type qu'il a créé dans "La chaussée de Clignancourt", affirme Bertaut ; d'un mouvement qui lui est habituel il renverse la tête en arrière en faisant jouer en même temps ses bras et ses mains. Il gambade, il cligne de l'œil mystérieusement, il scande de sa tête chaque coup de cymbale." Paulus, jusqu'alors connu, devient célèbre. Quand l'astre de Paulus monta, il y eut une seconde d'émotion au concert. Tous ceux qui cherchent chaque matin qui, pour être originaux, ils pourront bien imiter demeurèrent bouche bée. Le succès décidément, était à ces pirouettes, à ces marches, contremarches, cavaliers seuls et imitations de claudications variées ("La boiteuse et l'invalide") c'était tout un art à réapprendre... il fit en sorte que la chanson devint une école de gymnastique, mais non sans talent, sans originalité consciencieuse, dans une voix prenante..."

(Le café-concert - Atelier Hachette / Massin, 1980 - page 83)

En 1883, il signe pour trois ans au Concert Parisien non sans exiger un cachet astronomique (il est le premier à le faire) mais chante régulièrement à d'autres endroits, allant parfois jusqu'à chanter, pour différents publics (y compris en représentations privées) jusqu'à 40 chansons au cours d'une même soirée. - Il devient soudainement riche et célèbre. - Il a un hôtel particulier à Neuilly, des domestiques, un chauffeur...

En 1885, à la suite d'un procès (qu'il perd - la rupture de son contrat lui coûte 30 000 francs !), il se retrouve à l' Alcazar d'Été.

   

On ne parle plus de succès mais d'un énorme succès qui atteint son apothéose en mai 1886 avec la création de " En revenant de la Revue" de Delormel et Garnier.

"Je n'ai jamais fait de politique, écrit-il dans ses Mémoires, mais j'ai toujours guetté l'actualité."

Et comment !

Cette chanson est entraînante, certes, et il fallait voir, au refrain, à la fin, Paulus, le chapeau au bout de la cane, traverser la scène galopant sur un cheval imaginaire mais au deuxième couplet, profitant de la vogue du général Boulanger, il substitue un vers où il laisse bien entendre qu'il est allé voir la revue à Longchamp "admirer notr' brav' général Boulanger". - Les Boulangistes sont dans la salle. - C'est le délire. - Pendant des mois, on se met à attendre des heures à la porte pour voir et entendre ce phénomène qui émerveille les foules et qui sait bien dire ce que chacun pense.

Il fonde avec ses paroliers de prédilection une revue, "La Revue des concerts" mais son caractère vindicatif fait qu'elle doit fermer ses portes en moins de deux ans.

En 1889, un autre énorme succès : "Le père la Victoire" qu'il chante, entre autres, à l'Eldorado (encore une fois) et au Jardin de Paris.

En 1891, il fait une tournée au Canada et aux États-Unis, va chanter à Vienne, à Budapest, à Bucarest, en Russie, en Angleterre puis, en 1892, il est de retour en France où il se relance en affaires en achetant le Ba-Ta-Clan puis l'Alhambra de Marseille. - Il mettra moins d'un an à faire faillite. - À faire faillite aussi dans un clos acheté dans le Bordelais, rebaptisé, un temps, le Clos Paulus.

À partir de 1894, l'étoile se met à pâlir : les moyens sont toujours là mais il se débat avec d'énormes difficultés financières et familiales. - Le Boulangisme, non plus, n'a plus cours depuis que l'autre s'est suicidé (en 1889). - Il court le cachet, se déplace constamment, chante là où on le demande encore, chante trop, se déplace trop.

En 1897, les frères Émile et Vincent Isola, abandonnant la prestidigitation achètent le Parisiana et, se fiant à sa notoriété, engagent Paulus alors plus que légèrement sur son déclin, un peu sourd et fatigué, affichant à leur porte :

Parisiana

Nouvelle direction

PAULUS

Le public, persuadé que le créateur de "En revenant de la Revue" allait effectivement diriger le Parisiana, accourut. - Ce fut la dernière fois qu'il attira les foules.

(Un projet avec Méliès aurait fait partie de sa présence au Parisiana - Voir à ce propos la note "**" en bas de page à : "En revenant de la Revue".)

En 1900, il obtient son ultime grand succès en remplaçant Yvette Guilbert, malade, aux Ambassadeurs. Ruiné, il doit, malgré sa santé chancelante, poursuivre sa carrière jusqu'en 1903 où, épuisé, il doit s'arrêter. - Il a alors 58 ans.

Le 19 décembre 1906, une soirée de gala est organisée à son intention, par le Figaro, grâce au dévouement de Fursy, au Théâtre de la Gaîté alors sous la direction de Georges Dorfeuil (fils), soirée à laquelle participent les plus grands artistes (voir : Mémoires, chapitre 33). Puis, c'est la retraite définitive.

Un an et quelques mois plus tard, le premier juin 1908, il meurt victime d'artériosclérose non sans avoir, avec l'aide d'Octave Pradels, publié les mémoires précitées :


Et c'est dans un sinistre meublé de Saint-Mandé, à l'âge de 61 ans, que se termine la vie de cet interprète incontournable.

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