TABLE DES MATIÈRES
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Prologue
Après la guerre 1870
Dans les affaires
Dernier souvenir de mon père
Le débat du ventre
Deux hommes passèrent
Adelina Gaillard
Théâtre des Boulevards
Mon audition - L'Eldorado
Débuts au Casino de Lyon
Débuts à l'Eldorado
Éden-Concert
Ma silhouette définitive
Liège et la "Pocharde"
Le Moulin Rouge
Le Divan Japonais
Le Concert Parisien
La Bodinière
Le Nouveau Cirque
A la Scala
Comment j'ai compris Bruant
L'Horloge
Les Ambassadeurs
Une soirée chez l'éditeur Charpentier
Mon répertoire
Les journaux et les journalistes
Ma seconde carrière
Portraits
Jean Lorrain - Goncourt
Sarah Bernhardt
Le Prince de Galles
(futur Édouard VII)
Toulouse-Lautrec
Pierre Loti
Jules Roques
Maurice Donnay - Forain
Eléonora Duse
Deux cardinaux :
Le cardinal Mercier et le cardinal Dubois

Récompenses
A travers le monde
Épilogue

Yvette Guilbert


Le Nouveau Cirque

Où est le temps où Donval, mari de Thérésa, dirigeait du haut de son ventre imposant ce cirque, dont les enfants chics de Paris faisaient "leur club" ! Tous les soirs le cirque était bondé d'habits noirs, les grands cercles y avaient leurs loges, le Jockey Club, les Pommes de Terre, l'Épatant, l'Union, le Volney présidaient et donnaient le ton... Les femmes y venaient en décolleté, les premières y étaient ultra-parisiennes, et Donval, d'une sérénité souriante, faisait les honneurs de ses "Écuries" comme le chambellan d'un empereur ceux de la salle du trône.

Beau temps où les "managers" ne nourrissaient qu'un orgueil, celui d'avoir la clientèle la plus aristocratique de Paris.

Quand Donval vint me trouver pour chanter chez lui, il s'amusa de ma peur, de ma crainte de n'être point entendue, en raison de l'architecture de la salle, et par trois fois je lui refusai mon concours. Mais il joua une pièce-farce et une scène fut construite dans l'arène, alors je me décidai.

Garden Party, tel était le titre de la piécette. J'arrivais montée sur un ânon, conduit en laisse par le brave clown Footit, et chaque soir il s'amusait à guider l'âne vers un petit bassin plein d'eau pour me donner la peur d'y tomber. Comme il s'amusait à ce jeu, et le public donc ! Footit piquait la bête, qui ruait, et moi, cramponnée à l'animal, je devenais aussi rouge que les cerises de mon chapeau ! Enfin je descendais au bas d'un perron, et je chantais. Dans l'entr'acte, c'était le défilé des clubmen au foyer qui était ma loge, et Donval disait : "J'aurai eu l'honneur de connaître deux gloires de la chanson : Thérésa et Mlle Yvette Guilbert."

Époque où les bonnes manières tenaient lieu d'acte de naissance ! On serrait la main de Donval parce que, disaient les aristocratiques clients du cirque, il avait l'air comme il faut.

Footit et Chocolat, voici que va s'écrouler le forum de vos harangues, jusqu'au souvenir de vos parodies sarahbernhardesques, où l'aspic de Cléopâtre devenait un serpent boa entrelacé d'une mélodie bien applaudie alors des Parisiens

"C'était un pauv' petit serpent,
"Qu'avait rien à s'mettr' sous la dent..."

que chantait Yvette.

Ah ! ce temps où la maigreur de Sarah amusait la satire, époque aimable où l'esprit français savait rester élégant, où la diffamation (même sous des allures "bon enfant") aurait figé le rire des auditeurs ! beau et bon rire des Maurice Donnay, des Goudeau, des Mac-Nab, etc., etc., où les fusées cérébrales, sentimentales, n'offraient que le bouquet de fleurs d'un esprit qui sentait bon la France, tout en restant de "Paris". Que reste-t-il de tout cela ? Une affiche de Chéret me perpétue seule ce souvenir...


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