Ci-contre à droite,"La Môme pétrolette"

dans Paris qui Chante
du 31 janvier 1903


































 








Alice De Tender

ux nombre de cartes postales que l'on peut retrouver, en vente ou faisant partie de diverses collections, sur le Web, l'on pourrait penser que la vie et la carrière de cette chanteuse-danseuse-comédienne aurait fait l'objet de nombreux commentaires mais il en est rien.

Il aura fallu, en effet, plusieurs heures pour récupérer dans divers journaux, revues, livres, chez Gallica et ailleurs, les informations qui suivent et qui nous en disent très peu sur sa vie personnelle ou même sa présence scénique.

Quelques remarques, glanées ici et là, nous informent qu'elle a débuté "gommeuse" pour devenir "épileptique" avant de passer du côté de la danse plus ou moins acrobatique et des costumes extravagants avec dentelles, plumes et Dieu sait quoi d'autres.

On ne sait pas la date de sa naissance (vers 1880-82 ?) ni la date de son décès. - Ses dernières apparitions sur scène dateraient du début des années vingt. Elle aurait eu, alors, une quarantaine d'années, âge où les artistes "dans son genre" se voient forcées de se retirer compte tenu qu'à jouer les jeunes premières et les ingénues...


Sa carrière

Elle aurait débuté peu avant 1900. Le premier programme, où elle est citée, date du premier août 1899, dans une revue aux Ambassadeurs qui s'intitulait Qui veut l'amour (de L. Xanrof, L. Larnier). Figuraient également au programme : Sulbac, Eugène Raiter, Victor Lejal, Eugénio, Mistinguett et Charlotte Gaudet. - Dix ou cinq ans plus tard, aucun music-hall ou théâtre n'aurait pu se payer une telle troupe !

En 1902, elle est à la Scala (d'après Le monde Artiste illustré - 9 novembre). Pas d'autres détails.

En avril, 1903, elle est avec sa sœur Fanny (voir ci-dessous) et Mlle Lidia, à la Scala, - dans une revue de Charles Clairville et Adrien Vély (musique de Charles Raiter) : Viens Fou-foule...

En décembre  de la même année, on la retrouve à l'Eldorado dans Cassons du sucre (H. Delorme, F. Gally), avec Dranem, Paul Clerc, Jean Fernandès, Charles Dutard, Lidia, Mistinguett et Stelly.

De retour aux Ambassadeurs, en juin 1904, elle est de la distribution de Qui trop Ambass' ! (de H. de Gorsse et G. Nanteuil), aux côtés de Max Dearly, Armand Berthez, Jacquet, Eugénio. Vasser, Maud D'Orby, Charlotte Gaudet, Élise Debernay et Henriette Leblond.

En novembre 1905 dans La Revue de la Scala (de L. Numès et F. Lémon), une revue mettant en vedette Charles Reschal, Moricey, Victor Lejal, Edmond Ransard, Anna Thibaud, Arlette Dorgère et Lucy Nanan.

En octobre, l'année suivante, toujours à la Scala, elle est de la comédie Bonjour toi ( de E.-P. Lafargue et F. Verdelet). Font partie de cette revue : Sinoël, Moricey, Victor Lejal, Pierre Fréjol, Fernand Frey, Adeline Lanthenay, Jane Allems et Xavière (sic)... de Léka.

En novembre 1907, elle joue à La Cigale dans Paris qui monte de Victor de Cottens et Léon Nunès, aux côtés de Gabin (père), Maurel, Paul Lack, Alice Milet, les Iris Sisters de même que Mlles Saunières, Dyanthis et Delmarès.

Décembre (ou juillet ?) 1907, à la Scala toujours : Imbroglio Princier ( de E. Codey), avec Ferréol, Victor Lejal, Pierre Fréjol, Henri Rosse,Ellen Baxone, Carmen Vildez et Émilienne (?) Franville.

Elle passe ensuite du côté du Moulin-Rouge, la même année, dans La Revue de la femme (de Lucien Boyer et Henry Battaille). Distribution : Max Dearly, Armand Berthez, Carlos Avril, Sinoël, Caudieux, Juliette Mealy, Jane Allems, Mistinguett et Alice Delysia.
(Voir également à "Enregistrements" ci-dessous.)

Elle aurait, peu avant 1910, fait une tournée dans le sud de la France pour se retrouver à la Cigale en 1909.

Retour à la Scala dans la revue de l'année au début de janvier 1910 (Livret et musique de A. Barde et M. Carré) ; avec Léon Morton, Marcel Carpentier, Victor Lejal, Robert Casa, Fernand River, Edmée Favart, Renée Baltha, Mary Perret et Paule Morly.

Une absence prolongée ici. - C'est qu'elle tourne !

Deux courts métrages d'abord :

  • La fille terrible, en 1912 - Aucun détails disponibles.
  • Larmes de sang de...?, même année, aux côtés cependant d'Edmond Duquesne (qui fut comédien dans une trentaine de films de 1909 à 1920) et deCharles Krauss (qui fut non seulement comédien mais réalisateur).

Et puis, au début de 1913 (ou serait-ce à la fin de 1912 ?), sous la direction d'Émile Chautard, dont la majeure partie de la carrière s'est déroulée aux États-Unis, elle est en vedette dans pas moins de trois de ses films :

  • Occupe-toi d'Amélie.
  • La veuve joyeuse.
  • La duchesse des Folies-Bergères (en môme Crevette !) [*].

Car... elle de retour sur scène, à la Scala (où selon Mayol, elle était devenue une "pensionnaire") dans une revue sans titre de A. Barde et M. Carré) dès janvier 1913. En compagnie de Louis Boucot, Magnard, Gabriel Fortugé, Ambroise Girier, Serjius, Mistinguett (toujours !), Alice Walser et Renée Baltha.

Viennent en juin de la même année, les Folies-Bergère dans La Revue en chemise (de L. Lemarchand et L. Boyer). Henri Dorville, Pierre Pierrade, Gilbert Bataille. Gaston Silvestre, Anna Held, Geneviève Williams et Renée Bréville font également partie de cette revue.

Elle est au Moulin Rouge en février 1915 dans La Rentrée tricolore (de Ch. Quinel, H. Moreau), avec Sinoël, Fred Pascal. Fernand Rivers, Edmond Ransard, Paule Morly, Maud Avril et Marthe Sarbel.

Chez Mayol, ensuite, en septembre. Une revue de H. Varna et L. Lelièvre), avec Eugène Mansuelle, Henri Varna, G. Nibor, Rastel, Perrand, [Marise] Damia, Marcelle Parisys et Germaine Charley.

En 1916, elle tourne à nouveau dans Le coup de minuit en compagnie de Pierre Etchepare et Polin.

Deux ans passent (mais c'est la guerre !) avant qu'on la retrouve, en septembre 1918, au Bataclan dans A toutes jambes de (A. Barde, M. Carré et C.-A. Carpentier) avec Charles Dutard, Albert Launay, Edmond Carnier. Maurice Moriss, Mary Hett, Charlotte Martens et Juliette Liéna.

(Et en 1919, au même endroit, dans la revue Dans les nues - Voir l'affiche ci-contre.)

Dernière apparition ? - Aux Ambassadeurs, en juillet 1921 dans Paris en S'himmy's (de L. Lelièvre et H. Varna) avec Émile Audiffred, Gaston Pélissier, Edmond Castel, Anna Tariol-Bauge et Henriette Leblond.

Après, plus rien ou plutôt la misère quoique, le Journal des débats du 4 septembre 1934 (sic) annonce la rentrée d'Alice au Concert Max Trébor (ex-Casino Saint-Martin) dans une revue de Valentin Tarnult, Heureux d'vous revoir... - Elle aurait eu, alors quelque 50 ou 52 ans mais quand on parle de sa rentrée, sa rentrée d'où ?

Jacques-Charles, pas toujours gentil, mentionne dans son Café-Concert qu'elle finit ses jours à Ris-Orangis :

"[Elle fut une] poupée blonde et rose [qui] était surtout danseuse, mais [qui] jouait dans les revues. Si j'ai bonne mémoire, elle parut dans différents music-halls, aux Folies-Bergère entre autres. Las ! je l'ai revue à Ris-Orangis où la malheureuse finit ses jours dans le calme, parmi ses camarades qui n'ont pas eu plus de chance qu'elle-même. Pour entrer à Ris-Orangis, il faut verser un capital de quatre cent cinquante mille anciens francs, dont les intérêts servent à payer la pension, (ou, plus exactement, une partie), Alice de Tender, dans une gêne voisine de la misère n'a dû (m'a-t-on dit) qu'à la générosité de Maurice Chevalier d'avoir pu devenir pensionnaire de la Maison de Retraite des Vieux du Caf' Conc'."


Deux commentaires

Mistinguett, mentionne dans ses Mémoires, qu'elle fut, à ses débuts, sa rivale :

"C'est du Trianon et accessoirement de l'Alcazar d'été, où je me retrouvai avec Polin et la belle Otero, que date mon premier apprentissage de la vie d'artiste, ou plus exactement de la vie de coulisse. J'appris très vite à mes dépens que pour faire sa place, il faut se défendre. Pour la conserver aussi. Et de façon sévère. Personne ne vous fait de cadeau. Ni les camarades, ni le public, ni les directeurs. Choisir une chanson n'est pas toujours simple, et mes rivalités avec Alice de Tender, qui en gommeuse chantait "La Môme pétrolette" en faisant des moulinets avec une badine enrubannée, sont dues pour la plupart à ce fameux choix de chanson."

Quant à Henry Bordeaux (La vie au Théâtre), il semble avoir eu un certain penchant pour elle :

"(6 avril, 1913) - Première représentation [Chez Réjane ?] des Moulins qui chantent, opérette en trois actes, de MM. Fonson et Wicheler, musique de M. Van Oostl.

Distribution : Lisbeth, Mlle Cébron-Norbens, ; Petrus, Mlle Alice de Tender ; Kate, Mlle Yvonne Harnold : Nèle, Mlle Gina Féraud ; Henri, M. Vigneau (de l'Opéra-Comique) ; Fritz, M. Jules Berry ; le bourgmestre, M. Ambreville ; Claes, M. A.Frank.;Hans, M. Deinères.

"Sur un livret facile et même puéril, M. Van Oost a composé une musique qui, pour être sans prétention ni personnalité, n'est pourtant pas dénuée de tout agrément. On a fait fête, au second acte, au quintette Tu verras ça, qui nous semble le morceau le plus verveux d'une copieuse partition. C'est là qu'on acclamait et bissait, en un pas pittoresque et léger, la grâce mutine et véritablement endiablée de Mlle Alice de Tender, apportant en cette pièce belge - oh ! que belge - la note parisienne.

(Cette pièce, soit dit en passant, fut reprise aux Galeries, en 1912.)


Enregistrements ?

Peu. Deux ont été repris en CD :

"Teasing" dans un coffret intitulé Folies-Bergère de 1902 à 1942 - EPM 9834222. Aucune référence quant aux auteurs ou compositeurs ; l'année seulement : 1908 ; et le nom de la revue Sport où aurait figuré également Mayol. Enregistrement chezEclipse-Synchrone (?)

Un deuxième, "Navajo", publié dans deux coffrets différents : Moulin-Rouge (EPM 98302) et De montmartre à Pigalle (Suave 2003). Aucune référence là également sauf que ce titre aurait été enregistré chez le même éditeur. [*]

Voici un extrait de ce:

"Navajo"

Heureusement qu'elle savait danser...

[*] Note du 29/11/2012 : Notre ami Henri Chamoux du site Phonobase.org (et L'Archéophone) nous écrit pour nous confirmer que cet enregistrement provient bien de la Société Nouvelle du Cinéma Synchrone - Eclipse... et nous en propose même l'écoute intégrale à cette page.


"Fanny" et Alice De Tender
dansent "La Matchiche"

Notes sur "Fanny" de Tender

Alice avait une sœur, Fanny [Jeanne] . Les deux auraient travaillé ensemble pendant quelque temps quoique, en fouillant dans les revues de l'époque, on peut voir certains programmes où Fanny figure seule.

Elles auraient vraisemblablement été les filles d'un dénommé Octave Jean-Baptiste Tender, un artiste musicien, né en Belgique et d'une certaine Clémence Marteel, les deux mariés à Bruges. - Fanny serait née en août 1887, au Havre - Alice, peu avant, probablement en Belgique.

On peut les voir, entre autres, sur quelques cartes postales dont une série de trois ou quatre où les deux dansent "La Matchiche", Alice jouant le rôle de l'homme. - Voir ci-contre.

Fanny serait décédée en 1911. [**]


[*] Le site CITWF donne d'autres titres :

Prête-moi ta femme de Jacques Roullet, en 1915
À qui la femme de Roger Lion, en 1915
La toison d'or de...?, en 1916
Le coup de minuit de Maurice Poggi, également en 1916.

[**] Ces renseignements proviennent de deux fiches, l'une faisant partie des archives de la Seine-Maritime où, le 25 août 1887,la naissance d'une certaine Fanny Jeanne de Tender a été enregistrée, et une autre du Fonds Coutot où son décès a été enregistrée le 13 mars 1911... (ce que confirme l'édition de 1911 des Annales du théâtre et de la musique) et d'une extrapolation. - Le nom de Tender, d'origine belge, étant assez rare en France, on peut, en effet, compte tenu de la profession du père et des dates de naissance et du décès figurant sur ces deux documents supposer qu'il s'agit bien de "notre" Fanny.


Merci à Claire Simon-Boidot pour les diverses pistes qu'elle nous a fournies pour rédiger cette page.